Alors que Donald Trump a reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël, retour sur l'histoire de cette ville. Réécoutez, dans "La Fabrique de l'Histoire", l'historien Vincent Lemire évoquer la complexité d'écrire l'histoire de la ville palimpseste.
Le président américain Donald Trump a annoncé hier, mercredi 6 décembre, sa volonté de déplacer l'ambassade américaine à Jérusalem et a reconnu la ville comme capitale d'Israël, provoquant une tempête diplomatique. En décembre 2016, dans La Fabrique de l'histoire, au micro d'Emmanuel Laurentin, Vincent Lemire évoquait la difficulté de raconter la ville-sainte, à l'occasion de la parution du livre Jérusalem : histoire d'une ville-monde des origines à nos jours.
(Durée : 22'52)
L'historien, qui a notamment coordonné le projet "Open Jerusalem", fait état de l'extrême complexité qu'il y a à rassembler des archives dispersées dans le monde entier, de Saint-Pétersbourg à Erevan en passant par Sofia. Par ailleurs, Vincent Lemire insiste sur la topographie changeante de la ville au fil du temps. Suivant les époques, les lieux restent, mais avec d'autres noms. Tout le travail des historiens réside alors dans la reconstruction géographique de cette mémoire urbaine :
Jérusalem est une ville sans histoire, [...] c'est aussi une ville sans géographie. Quand on regarde une carte de Jérusalem, on ne voit que des frontières, que des limites. Mais on ne voit pas les reliefs. On ne voit pas les vallées, on ne voit pas les collines. On ne voit pas le désert à l'est. On ne voit pas la plaine littorale à l'ouest. On ne voit pas, ce qui, finalement, est la matière de cette histoire.
Tantôt peuplée, tantôt dépeuplée, Jérusalem est une ville palimpseste, en perpétuel renouvellement :
Quand on fait l'histoire de cette ville, il faut faire son histoire urbaine, citadine. Il faut partir des archives, de la démographie, de la sociologie. Mais il faut aussi faire l'histoire des mémoires de cette ville, et des constructions de ces mémoires, pour essayer justement de les déconstruire, de les refroidir d'une certaine manière.
Alors, la ville de Jérusalem peut-elle être une capitale ? L'historien répond en ces termes :
Cette question est posée dès le Xe siècle avant notre ère : pourquoi est-ce que David, le roi brigand de Bethléem et Hébron, choisit Jérusalem comme capitale alors qu'il ne l'a même pas conquise, alors qu'elle n'est même pas à lui. Pourquoi est-ce qu'il ne garde pas Hébron ? [...] Une des hypothèses du livre dit : "David choisit Jérusalem parce que Jérusalem est une ville sans passé, beaucoup plus neutre qu'Hébron".
Pour Vincent Lemire, si la ville a été capitale à l'époque biblique de David et Salomon, elle est ensuite restée provinciale jusqu'au milieu du XXe siècle.
Bibliographie
Jérusalem : histoire d'une ville-monde des origines à nos joursFlammarion, 2016