Agnès Varda : " Le continu-discontinu de nos vies s'exprime bien par le cinéma"
1994 | Au micro d'Alain Veinstein, dans l'émission "Du jour au lendemain", la cinéaste Agnès Varda vient parler de sa pratique du cinéma, faite de légèreté et commente certains aspects de sa vie, comme l'importance de la peinture et son urgence de profiter du temps qui file pour tourner encore.

Agnès Varda est l'invitée de l'émission "Du jour au lendemain" à l'occasion de la sortie de son livre Varda par Agnès. Elle le présente comme un livre de souvenirs, mais ce n'est ni un "bilan" ni un "testament", "pas vraiment, pas encore!". Elle reconnaît avoir eu "tendance à regarder un peu plus en arrière que d'habitude" et elle se plaint de sa "mauvaise mémoire". Mais elle se refuse à faire de "la critique ou de de l'autocritique". A travers ce livre, elle tenait à présenter son travail qui "passe par trouver une structure de récit qui ne soit pas de la camelote ou de la copie de roman."
Devant l'écriture de ce livre elle dit s'être sentie "gauche", "empotée" et c'est parce qu'elle aime les catalogues, qu'elle a choisi la forme d'abécédaire : "Ce fatras, j'y ai quand même donné de l'ordre." Sur l'importance de la peinture dans sa vie, elle trouve que "la culture, c'est fait pour vivre [...] et certaines peines, certaines douleurs ont des formes de certaines Vierges au pied de la croix."
Je crois que l'art, le cinéma aussi d'ailleurs, les livres, nous aident à sortir ce qu'on ne sait pas dire, ce qu'on ne peut pas dire, ce qu'on ne sait pas souffrir comment. Alors on souffre avec des œuvres qui souffrent mieux que nous.
La cinéaste confie ne plus lire et ne plus écouter de musique, car elle fait des films. Elle pense ne plus avoir beaucoup de temps, "le temps est court maintenant" et elle rajoute : "Déjà que j'étais en état d'urgence quand j'étais jeune, ça ne s'est pas arrangé."
Pour Agnès Varda, le cinéma "c'est l'art de la fin de ce siècle". Il lui semble que les cinéastes "représentent vraiment la société où nous sommes". De ses débuts en tant que réalisatrice elle avoue, "je ne viens de rien". Elle raconte comment elle a fait son premier film "La Pointe courte" en 1954, "sans principes, sans connaissances" et "de cette ignorance" il "est né un film original, tout simplement".
Sur sa place dans le cinéma français, Agnès Varda se situe ainsi : " Je suis un petit peu marginale pour le système et dans le système pour les marginaux." Et surtout elle revendique dans sa vie et dans son cinéma de "la légèreté".
Je n'arrive pas à croire que toutes ces choses sérieuses ne peuvent pas être allégées par l'humour, un peu d'ironie, la distance, un peu de légèreté. On en a tellement besoin, moi j'ai tellement beaucoup plus besoin de légèreté que de paroles profondes. J'ai beaucoup plus besoin de sourires que de gens qui me comprennent.
- "Du jour au lendemain"
- Première diffusion le 05/04/1994
- Producteur : Alain Veinstein
- Réalisation : Bernard Treton
- Indexation web : Odile Dereuddre, de la Documentation de Radio France
- Archive INA - Radio France
Bibliographie
Varda par AgnèsAgnès VardaCahiers du cinéma, 1994