
Point commun entre Gilles Medioni (L’Express ), Thomas Baurez (Studio Ciné live ), Benoît Basirico (Cinezic ), Jacques Mandelbaum Le Monde et Gérard Delorme (Première ) ? Ils font partie du jury de Cannes Soundtrack (comme Grand Écart) qui récompense la meilleure musique pour un des films en Compétition officielle. Alors petit tour express pour comprendre ce qu’est et comment se vit la musique de film pour ces cinéphiles en goguette sur la Croisette.
La chose qui vous touche le plus quand on parle musique et cinéma ?
Gilles Medioni : L’interstice entre les silences et les images. Thomas Baurez : Quand la musique ne se contente pas d’accompagner une action ou un sentiment mais possède sa vie propre et peut éventuellement entrer en dissonance avec ces mêmes actions et sentiments. Gérard Delorme : Quand la musique se fait oublier comme si elle faisait partie du bruitage. Jacques Mandelbaum : La scène de la fête dans Haut les mains (1967) de Jerzy Skolimowski. Une musique de folie de Krzysztof Komeda pour une équation du lyrisme mécanique. Benoît Basirico : La musique fait partie d’un film au même titre que les autres éléments, la plus grande réussite, c’est lorsque cette alchimie paraît être une évidence, quand la musique s’associe au récit, aux personnages, au décor, à la lumière, au montage… Non comme une simple illustration vaine (le fameux “papier peint” décrié par Stravinsky) ni comme une nécessité (la musique comme un “pansement” ou “béquille”), mais comme un personnage en soi, avec sa propre existence, qui ne soit ni en dessous ni au-dessus du tout.
Votre dernier coup de cœur musical au cinéma ?
Gilles Medioni : Syd Matters pour L’Echappée belle , d’Emilie Cherpitel et la chanson du générique de fin, Bella Ciao , interprétée par Clotilde Hesme. Thomas Baurez : Les compositions très feutrées de Jean-Louis Aubert pour L’Ombre des femmes de Philippe Garrel et le lyrisme de Grégoire Hetzel pour Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin. Gérard Delorme : La BO de Matt Johnson pour Hyena . Une autre : celle de Duke of Burgundy . Jacques Mandelbaum : Space Oddity de David Bowie dans Moi et toi de Bernardo Bertolucci. Benoît Basirico : It Follows de Disasterpeace.
C’est quoi une bonne musique de film ?
Gilles Medioni : Celle qui nous prend en douceur, par surprise (bonne) et nous retient. Thomas Baurez : Celle qui s’entend avec les images (dans les deux sens du terme) et qui s’écoute avec le temps. Gérard Delorme : Celle qui met en valeur l’action en y apportant une dimension supplémentaire (c’est souvent le cas lorsqu’elle agit en contrepoint). Jacques Mandelbaum : Une partition qui ni ne s’impose ni ne s’efface, mais qui affirme la puissance abstraite de la musique en intelligence avec la passion charnelle du cinéma. Benoît Basirico : Une bonne musique de film n’est pas forcément une “bonne musique” (c’est-à-dire une musique complexe, singulière, appréciable seule sur disque), mais une bonne musique de film est une “bonne musique pour un film”. Ainsi, aucune règle préétablie ne doit s’imposer, une musique de film n’est pas un style musical, mais simplement les bons choix pour un film précis. S’il suffit de trois notes pour illustrer l’attaque d’un requin, cela peut fonctionner. L’essentiel d’une bonne musique de film est de contribuer à nous faire aimer le film.
La suite de l'interview et la liste de tous les compositeurs des films en compétition - Sélection officielle 2015 sur Grand Écart, le site des étirements cinéphiles.