Inceste raté ou trafic réussi: où est l’audace ?
Vous préférez les grandes amours contrariées, fussent-elles incestueuses (Marguerite & Julien ), ou les zones d’ombre de la guerre contre la drogue aux Etats-Unis (Sicario ) ? Pour ce qui est du cinéma, la question ne se pose pas…
On avait été surpris de la sélection en compétition de Valérie Donzelli, et en même temps curieux de l'adaptation qu'allait donner la réalisatrice de La guerre est déclarée de ce scénario écrit pour François Truffaut par Jean Gruault, autour de l'histoire véridique de Julien et Marguerite de Ravalet, condamnés à mort au XVIIe siècle pour inceste et adultère. Truffaut avait renoncé à tourner le film en 1973, et au vu du résultat, sans doute Donzelli aurait-elle dû faire de même. Marguerite & Julien accumule les mauvaises idées (au premier chef celle d'en faire un conte intemporel en abusant des anachronismes vestimentaires), les citations gênantes (de Jacques Demy à La Nuit du chasseur ), les dialogues creux et la direction d'acteur défaillante. Ce n'est pas rendre service à la jeune réalisatrice, ni au Festival, d'exposer un tel film en compétition.
Une héroïne à la masse
Dans un tout autre genre, celui du thriller d'action américain, on a finalement beaucoup plus apprécié la très sombre incursion du Québécois Denis Villeneuve dans le film de narcotrafic. Sicario , également en compétition aujourd'hui, raconte comment les Etats-Unis importent les techniques éprouvées en Irak et en Afghanistan dans la guerre contre la drogue menée à la frontière mexicaine. Mis en scène avec beaucoup d'inspiration et d'efficacité, explorant les zones grises de la lutte contre le crime, avec une profonde réflexion éthique sur le spectacle de la violence qui joue avec les attentes du spectateur, Sicario prend le point de vue d'une jeune agente du FBI complètement dépassée, qui ne comprend rien à ce qui se trame, une façon très originale de renverser la figure du héros. L'audace cinématographique n'est pas toujours là où on l'attend...
> retrouvez ici toutes les chroniques d'Antoine Guillot au Festival de Cannes 2015
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