CINÉMA | Dans "Exil", sorti en 2016, le cinéaste cambodgien Rithy Panh illustre la difficulté des survivants du génocide des Khmers rouges à accomplir leur deuil. Il questionne aussi la représentation à l'écran des victimes.
Rithy Panh est un survivant du génocide cambodgien. Ses parents et une grande partie de sa famille ont été assassinés par les Khmers rouges. Il aborde cette tragédie dans une série de documentaires très personnels. Dans Exil, sorti en 2016, le narrateur se remémore ses proches disparus. Il utilise des métaphores visuelles pour représenter à l’écran le génocide et ses victimes.
La photo de la mère
Rithy Panh : "J’aime beaucoup cette partie, avec l’imagination de ces photos. J’aimerais que ça soit réel à certains moments. Le cinéma me permet de dialoguer avec l’absence. J’ai envie de sentir la main de ma mère sur moi, alors je fabrique. Dans cette séquence, c’est une rêverie. C’est sentir, c’est parler avec. Pour moi, la créer, c’est une manière de lutter contre l’oubli."
La Lune comme repère du temps
Rithy Panh : "La Lune, elle revient comme un repère du temps, parce que je n’avais plus de temps, plus de notion du temps. Au temps des Khmers rouges, on n’avait pas de calendrier évidemment, on n’avait même pas de quoi se nourrir. Donc une pleine Lune, c’est un mois. Plus je vois les Lunes, dans ma tête, c’est une année. C’est juste pour vous dire que vous avez survécu un mois de plus, un jour de plus, un croissant de lune en plus. La Lune m’a donné une notion de temps que je n’avais plus, de temps poétique."
La hutte, allégorie de l'enfermement
Rithy Panh : "Cette hutte, c’est à la fois votre être profond, c’est la prison imaginaire, le fait que les Khmers rouges arrivent à vous enfermer quelque part. Mais c’est un exil que vous pouvez créer vous-même aussi. Il faut avoir cette capacité d’être en exil dans soi-même, cette capacité de puiser au fond de soi-même un souvenir le plus cher, une histoire, un son, s’accrocher à cette petite chose qui en fait représente votre dignité, votre humanité."
L’oiseau, symbole de la réincarnation
Rithy Panh : "L’oiseau, c’est comme l’âme qui vous guette. Il y a des gens qui prennent l’oiseau comme un oiseau de mort, mais pourquoi ? Les petits oiseaux, ils viennent le matin, parfois juste pour frapper aux fenêtres de chez vous. Ce sont les âmes des êtres aimés. Tout ça, ce sont les éléments de la nature qui nous entourent. C’est bien qu’on s’appuie sur des signes, qu’on parle aux oiseaux, qu’on parle aux arbres, à la Lune. En général quand on ne parle plus à la nature ou aux animaux, on ne parle plus aux hommes non plus."
Bibliographie
Le cinéma de Rithy PanhMontparnasse, 2008