Rejetés par leur famille : ils sont emprisonnés
Au XVIIIe siècle, les familles recourent au roi pour obtenir la détention "pour correction" de l’un des leurs. Les conséquences des excès d’un fils cadet, la folie d’un neveu ou l’adultère d’une épouse, amènent le roi à ordonner la détention de l’accusé pour préserver l’honneur de la famille.

Au XVIIIe siècle, le roi reçoit des suppliques désespérées de dizaines de milliers de familles qui redoutent que le comportement déviant de l'un des leurs ne conduise au scandale d’une condamnation judiciaire. C’est un quotidien familial intime et douloureux, pris sur le vif, qu’exposent sans fard les dossiers de lettres de cachet pour affaires de famille de l’intendance de Franche-Comté.
Les archives comtoises révèlent une prise en compte attentive des conflits de plus de 270 familles, principalement nobles et bourgeoises, par la monarchie absolue. Faisant des affaires de famille une affaire d’État, le roi emploie la lettre de cachet pour le règlement de différends privés, dans un subtil parallèle entre ordre familial, social et politique. Une procédure complexe, basée sur une enquête de terrain, mobilise toute la hiérarchie administrative, dévoilant une famille déchirée par des luttes de pouvoir intestines et des frustrations anciennes.
Le succès des lettres de cachet de famille éclaire d’un jour nouveau le rapport unissant l’État et la famille à la fin de l’Ancien Régime et la crise profonde née de la confrontation entre l’intérêt familial et les aspirations individuelles. La cruelle destinée des correctionnaires comtois enfermés à l’hôpital de Bellevaux à Besançon, au château de Joux, à Bicêtre, ou même exilés en Nouvelle-France et aux Antilles, montre quel est le prix payé par ceux qui, rejetés par leur famille avec l’aide de l’État, commencent à apparaître à l’approche de la Révolution comme les victimes de l’arbitraire monarchique. Le roi et le déshonneur des familles.
Une conférence enregistrée en avril 2018.
Jeanne-Marie Jandeaux, archiviste paléographe, directrice du service commun de la documentation de l’université de Franche-Comté, auteure de Le roi et le déshonneur des familles. Les lettres de cachet pour affaires de famille en Franche-Comté au XVIIIe siècle
André Burguière, spécialiste de l’histoire sociale, démographique et culturelle de la famille, du XVIe au XIXe siècle).