Quelles pourraient être les répercussions du procès de l'ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac ? Quatre questions pour comprendre.

Le procès de Jérôme Cahuzac, de son ex-épouse Patricia Ménard, du banquier suisse François Reyl, de la banque éponyme en tant que personne morale et de l'ancien avocat Philippe Houman reprend ce lundi 5 septembre 2016, à 13h30, devant la 32ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris. Ce même tribunal avait ajourné un premier procès en février dernier en raison d'une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par la défense. Le procès va durer deux semaines à raison de trois jours d'audience hebdomadaires, les lundis, mercredis et jeudis.
Quelles pourraient être les répercussions du procès Cahuzac ? Quatre questions pour comprendre.
De quels délits doit répondre l'ancien ministre du Budget ?
Jérôme Cahuzac est jugé pour fraude fiscale et blanchiment pour avoir détenu un compte caché à l'étranger, ouvert en Suisse puis transféré à Singapour. Il lui est aussi reproché d'avoir minoré sa déclaration de patrimoine lors de son entrée au gouvernement en 2012.
Son ex-épouse, Patricia Cahuzac, est poursuivie pour les mêmes faits, avec pour sa part, un compte caché sur l'île de Man. Les prévenus risquent jusqu'à sept ans de prison et un million d'euros d'amende, ainsi qu'une peine d'inéligibilité.
Quelles sont conséquences de l'affaire Cahuzac dans la lutte contre la fraude fiscale ?
Plusieurs lois ont été votées :
- la loi sur la transparence de la vie publique, en octobre 2013. Elle interdit aux parlementaires de cumuler leur mandat avec certains métiers. Elle les oblige, eux et certains décideurs publics à déclarer leur patrimoine à une commission indépendante, la Haute Autorité de la transparence de la Vie Publique, qui peut elle-même transmettre à la justice des déclarations supposées incomplètes ou mensongères.
- la loi sur la lutte contre la fraude fiscale, en décembre 2013. Elle a permis la création d'un parquet national financier, le PNF, dirigé par Eliane Houlette et installé rue des Italiens à Paris. Le PNF prend désormais en charge les affaires les plus complexes. La loi a également renforcé les sanctions pénales pour les fraudes les plus importantes. Les élus risquent ainsi jusqu'à 10 ans d'inéligibilité.
- la loi dite Sapin 2, sur la transparence de la vie économique, adoptée par le Sénat en juillet 2016. Elle prévoit de créer une agence anti-corruption chargée de contrôler les pratiques des entreprises, un registre des lobbies et un statut pour les lanceurs d'alerte.
Quels résultats effectifs sur la fraude fiscale ?
Selon les chiffres officiels de Bercy, en 2015, la lutte contre la fraude a permis de recouvrer plus de 12 milliards d'euros, contre 10,4 milliards d'euros en 2014. Quelque 45 000 demandes de régularisation fiscale ont été enregistrées par le service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, depuis sa création en juin 2013.
Depuis le 1er juin 2015, sept pôles interrégionaux ont été constitués : trois en Ile-de-France, quatre autres à Strasbourg, Bordeaux, Lyon et Marseille, compétents pour traiter les dossiers dont les avoirs non déclarés à l’étranger représentent un montant inférieur ou égal à 600 000 euros.
En 2015, les différentes procédures ont permis de récolter 2,65 milliards d'euros de recettes fiscales, dont 900 millions d'euros d'amendes et de pénalités. Pour l'année 2016, un objectif de "rendement" de 2,4 milliards d'euros est envisagé.
Qu'appelle-t-on "le verrou de Bercy" ?
C'est une disposition spécifique à la procédure fiscale qui date de 1977 et une forme de dérogation au principe de l'opportunité des poursuites qui appartient dans tous les autres cas au Procureur de la République.
Le "verrou de Bercy" prévoit que les poursuites pénales en matière fiscale ne peuvent avoir lieu qu'avec l'aval de l'administration française. Bercy dispose ainsi d'un argument de poids pour convaincre les évadés fiscaux de rapatrier leurs avoirs et de payer les pénalités, sans risquer en plus une condamnation pénale. C'est donc le ministère du Budget qui décide de transmettre ou pas les dossiers de fraude à la justice.
En juillet 2016, le Conseil constitutionnel a examiné une Question Prioritaire de Constitutionnalité qui contestait ce principe. Les Sages ont décidé de maintenir la disposition actuelle.
Ecouter : les enjeux du procès
Bibliographie
Code Birdie : les derniers secrets de l'affaire CahuzacMathieu DelahousseFlammarion EnQuête, 2016
L'affaire Cahuzac : en bloc et en détailDon Quichotte éditions, 2013
Tentative d'évasion (fiscale)Zones/La Découverte, 2015