La face cachée du globe | Les atteintes à l’État de droit se multiplient et les avocats qui travaillent sur des dossiers sensibles sont aujourd’hui plus exposés et isolés que jamais. Face à ce constat, le Barreau de Paris a décidé de créer un programme d’accueil et de répit pour les avocats menacés partout dans le monde.
L'exercice de la profession d'avocat devient de plus en plus dangereux dans le monde. Les robes noires risquent dans certains cas des condamnations plus fortes que les clients qu'elles défendent. Face à cette situation, les avocats du Barreau de Paris lancent un nouveau programme d'aide à leurs confrères menacés. Le programme Répit est né et maître Martin Pradel, président de la commission exercice du droit au conseil national des barreaux, nous le présente.
Les avocats dans l'exercice de leur fonction sont-ils aujourd'hui davantage menacés dans le monde ?
Lorsqu'un avocat est menacé, il sollicite le soutien de ses confrères et en particulier s'agissant des avocats de l'étranger, ils s'adressent aux avocats français et plus précisément aux avocats du Barreau de Paris. Ces demandes de soutien, de solidarité, sont de plus en plus fréquentes et, nous l'avons constaté, de plus en plus de nombreuses.
Les avocats qui sont menacés sont des personnalités engagées qui ont une vision du monde, une vision de la société, de nos sociétés qui sont des visions partagées sur des questions comme l'État de droit, sur l’égalité et sur la promotion de la liberté d'expression. Et ces personnes mènent souvent un combat sur le terrain.
Elles veulent pouvoir continuer leur combat et elles ne cherchent pas à se dérober. Le nombre de nos confrères qui vivent cette situation est en augmentation. Ils sont courageux et veulent pouvoir continuer le combat. Mais, c'est très difficile d'arriver à les soutenir, surtout ces temps-ci alors que le monde est touché par une pandémie qui nous empêche de voyager. On a donc une situation difficile, car ces confrères, ces avocats sont très isolés.
Des avocats en danger dans le monde
Quels sont les pays où les avocats sont le plus en danger ?
En fait, c'est terrible parce qu'il n'y a pas de continent qui ne soit pas concerné par les menaces dirigées contre les avocats. Toutefois, on peut citer en priorité la Chine, la Turquie, la Colombie, le Venezuela, l'Arabie saoudite. Dans beaucoup de pays, le simple fait de dire que la liberté d'expression doit être promue est un problème et conduit à la poursuite, à l'arrestation et parfois à l'enfermement, si ce n'est parfois à l'exécution, car il y a des pays dans lesquels les avocats meurent. Ce sont des combats constants qui traversent le monde entier. C'est dans le cadre de leur activité professionnelle que les avocats sont menacés.
Je pense à l'avocat Raïf Badawi, ce blogueur et journaliste qui parle de la liberté d'expression dans son pays, l’Arabie saoudite. Il a été très lourdement condamné à une peine de dix ans d'emprisonnement et mille coups de fouet. Et la seule personne qui ait accepté de le défendre, c'est un avocat, en l'occurrence son beau-frère. Et cet avocat, pour avoir simplement dit que son client aurait dû avoir droit à la possibilité d'exercer ouvertement la liberté d'expression, a été poursuivi et condamné à une peine plus lourde que celle infligée à Raïf Badawi puisque l'avocat a écopé d'une peine de 15 ans d'emprisonnement. Ce qui revient à dire que l'avocat a été assimilé à son client.
Pour l'Arabie saoudite, les droits de l'homme ne sont pas un sujet. Pas de liberté d’expression, d’opinion ou d’association, pas de parti politique, pas d’élection au niveau national ni de liberté religieuse. 🇸🇦
— Rédac France Culture (@FC_actu) November 22, 2020
Par @jmfour et @FranckBALLANGER#G20https://t.co/nszaunrPcxpic.twitter.com/szYRfSMfRm
En Turquie, quand un avocat défend une personne accusée de terrorisme, les autorités considèrent le plus souvent qu'en défendant son client, l'avocat a fait une promotion de la violence de son client. Ce qui est totalement inexact. Dans la majorité des cas, l'avocat se contente simplement de dire que son client a le droit à être jugé par un juge indépendant et impartial et pourtant cette assimilation avocat-client se fait. Cela veut dire que quand un avocat qui apporte une assistance à une personne accusée de terrorisme il est considéré comme son complice. Voilà une des difficultés des avocats dans le monde.
Un programme d’accueil pour des avocats menacés
Face à cette situation, le Barreau de Paris a mis en place un programme d'aide appelé "Répit". De quoi s'agit-il ?
"Répit" parce que les avocats dont nous parlons ne sont pas des personnalités qui veulent se dérober à leur responsabilité ou fuir leur combat. Ces avocats veulent continuer à exercer leur profession. Nous, au Barreau de Paris, nous avons vu des avocats qui parfois courraient un danger de mort en continuant leur travail et cela nous arrivait de leur dire : avez-vous pensé à quitter votre pays ? Parce que vous avez une famille, des responsabilités qui dépassent le cadre de votre profession. Ces avocats ne cherchent pas les ennuis, ils veulent juste pourvoir exécuter leur mission. Ils ne veulent pas prendre la fuite. C'est pour cela que nous avons pensé à créer le programme Répit. On s'est inspiré de ce que fait le Collège de France qui avec son programme Pause destiné aux universitaires propose d'offrir un espace de respiration. Nous avons voulu faire la même chose pour les avocats et permettre à nos confrères qui le souhaitent parce qu'ils sont menacés dans leur pays ou parce qu'ils ont besoin de marquer un temps de pause, de répit dans leur activité, de pouvoir le faire. Pour se mettre un peu de côté, un peu à l'ombre, et reprendre des forces à Paris. Nous avons mis en œuvre un plan qui permet d'héberger ces avocats et de leur offrir le repos dont ils ont besoin et leur permettre de se ressourcer et de constater la solidarité que nous sommes capables de leur donner ici en France ; ce qui les aidera à retrouver toutes leurs capacités pour reprendre leur combat.
Cette offre de "temps mort" peut être utilisée comme ils veulent, à savoir, soit rencontrer les autorités s'ils le souhaitent, soit donner des conférences pour faire connaitre leur lutte et éveiller le monde à leurs difficultés. L'idée est vraiment un programme à la carte, se mettre à l'ombre et se faire oublier quelque temps, ou être dans la lumière pour combattre autrement dans un cadre sécurisant offert par la France et des conditions analogues aux nôtres d'exercer nos libertés.
Avez-vous déjà constitué une liste d’avocats que vous allez accueillir ?
Nous voulions organiser ce programme avant de promettre quoi que ce soit à quiconque. Nous voulions nous assurer du soutien des autorités françaises. Celles-ci par la voix du ministère des Affaires étrangères nous ont apporté leur accord. Nous voulions aussi être en mesure de nous entourer des meilleurs, en l'occurrence nous avons travaillé avec la fondation Primo Levi. Nous voulions aussi nous inquiéter de l'état psychologique des avocats que nous accueillerons, des conditions matérielles de leur arrivée. Il nous fallait régler toutes ces questions avant de contacter des confrères, nous voulions être certains de la viabilité du projet. Aujourd'hui, toutes les conditions du projet sont acquises. On pense bien sûr à un certain nombre de nos confrères à l'étranger mais ce programme est basé sur le volontariat. Or, en vérité, les avocats à qui on pense ne veulent pas quitter leur pays et ne veulent pas demander l'asile. Dès lors, il va falloir maintenant les convaincre du bien-fondé pour eux de ce programme Répit qui va leur permettre d'être plus fort dans leur combat.
Parallèlement, apportez-vous une aide, une assistance aux avocats sur place ?
Nous aidons déjà beaucoup de confrères. Nous apportons une assistance, soit en intervenant en défense puisque nous sommes avocat, notre métier est bien d'assurer la défense, soit et c'est le plus souvent, nous nous contentons d'observer les procès pour découvrir les difficultés auxquelles les avocats sont confrontés, les manquements des autorités aux règles des procès. Parfois, nous agissons sur un mode un peu différent, c'est-à-dire que nous faisons comme on dit "amicus curiae", amis de la cour, pour rappeler un certain nombre de principes qui nous semblent importants et qui sont consacrées par des conventions internationales. Mais, on sait que notre assistance sur le terrain est insuffisante. On a le sentiment d'être dans une sorte de défi au tonneau des Danaïdes. Tout est vraiment difficile, très ardu d'être sur le terrain partout et d'ailleurs nous n'y arriverons jamais. Alors on s'est dit qu'on pouvait faire autrement. On ne s'est pas senti dispensé d'innover un peu. Et le programme Répit rencontre un assentiment formidable de la part des acteurs des sujets qui concernent la défense de la liberté dans le monde. C'est pourquoi, cette idée est bonne et nous la proposons. Nous avons bon espoir de pouvoir accueillir très prochainement des avocats, des confrères d'Amérique du Sud, d'Asie et d'Europe centrale pour qu'ils bénéficient de ce répit offert par le Barreau de Paris.
Ailleurs dans le monde
Une jeune femme de 21 ans devient maire d’une grande ville du Kerala en Inde
C'est assez rare pour être souligné, Arya Rajendran, une étudiante en mathématiques de 21 ans est devenue maire d'une ville d'un million d'habitants : Trivandrum, la capitale de l'Etat du Kerala, en Inde. La jeune femme, après un parcours de militante du Parti communiste, s'est faite élire ce 28 décembre grâce à un programme d'hygiène et de santé.
L'histoire nous est racontée par Côme Bastin :
— Arya Rajendran S (@SAryaRajendran) December 29, 2020
Voici ce qu’elle a déclaré à la télévision indienne, quelques jours avant d’être choisie par le conseil municipal.
En tant qu’étudiante et en tant que représentante de la jeunesse, j’ai fait face à plusieurs problèmes municipaux. Le plus important était celui de l’hygiène et des infrastructures sanitaires. Même pendant le Covid, les gens avaient peur de se rendre à l'hôpital ! Je veux offrir de meilleurs soins pour tous. Et je pense que ma candidature est un signe d’espoir pour tous les jeunes Indiens.
Avec les militantes saoudiennes des droits des femmes derrière les barreaux, les athlètes participant au rallye Dakar devraient montrer leur soutien.
Un an après la première édition du Rallye Dakar en Arabie saoudite, la FIDH et ses organisations membres en Arabie saoudite, l'ALQST for Human Rights, dans le Golfe, le Gulf Center for Human Rights (GCHR), et en France, la Ligue des droits de l'homme expriment à nouveau leur inquiétude de voir se reproduire cet événement sportif annuel au même endroit, alors que le bilan du royaume en matière de droits humains continue de s'aggraver.
Alice Mogwe, présidente de la FIDH :
Les défenseur.e.s des droits des femmes Loujain Al-Hathloul, Nassima Al-Saddah, Samar Badawi, Nouf Abdulaziz, Miyaa Al-Zahrani et Mohammed Al-Bajadi sont toujours derrière les barreaux depuis 2018. Plusieurs ont été torturé.e.s, abusé.e.s sexuellement et autrement maltraité.e.s sans droit à un recours effectif. Et pourtant, ces militant.e.s ont été en première ligne pour défendre les droits humains dans leur pays, à commencer par le droit des femmes de conduire.
Le Vatican lutte contre le blanchissement
Un document signé par le pape ôte tout pouvoir financier à la secrétairerie d'Etat, le bras exécutif du Saint-Siège. François veut ainsi éviter de mauvais investissements, comme à Londres il y a quelques mois, et de nouveaux scandales. Le but aussi est de centraliser les finances du Vatican, aujourd'hui éclatées en autant de ministères et autres instituts.
L'UNESCO s'inquiète pour la culture
L'agence de l'ONU pour la culture et l'éducation a évalué les mesures prises par les gouvernements dans la crise de la pandémie concernant la culture et les professionnels de ce secteur. Le bilan apparaît encore plus sévère qu'on le supposait. Dans l'industrie cinématographique, on estime que dix millions d'emplois seront perdus en 2020, tandis qu'un tiers des galeries d'art auraient réduit leur personnel de moitié pendant la crise. Une fermeture de six mois dans l'industrie musicale pourrait coûter plus de dix milliards de dollars en parrainages. Le marché mondial de l'édition devrait diminuer de 7,5 % en raison de la crise liée au Covid-19.