Six semaines d’audience pour un seul accusé. Le procès d’assises qui s’est ouvert mardi 4 février au palais de Justice de Paris, n’a rien d’un procès ordinaire. Pour la première fois, la justice française juge un Rwandais, soupçonné d'avoir joué un rôle dans le génocide des Tutsi qui a fait un million de morts entre avril et juillet 1994. L’accusé s’appelle Pascal Simbikangwa. Il était réfugié à Mayotte où il se cachait sous un faux nom. Il est poursuivi pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité.
Vous pouvez réécouter les analyses de Laure de Vulpian, ** spécialiste du Rwanda, qui couvre le procès pour la rédaction de France Culture :**
Le "tortionnaire"
Cet ancien militaire de 54 ans n'est pas n'importe qui. Dans son pays, on l'appelle "le tortionnaire" . Allusion à ses activités dans les années qui ont précédé le génocide. A l'époque, Pascal Simbikangwa avait la haute main sur le renseignement intérieur et à partir de 1990, il traquait les "ennemis" et leurs "complices", autrement dit, les Tutsi et ceux qui, parmi les Hutu, s'opposaient à la montée du racisme officiel et de la haine. Très proche du président Habyarimana, l'homme inspirait le respect aux uns, la pire des craintes aux autres.
On découvre, 20 ans après le génocide, le visage de cet homme qui nie en bloc toutes les accusations portées contre lui.
Ce procès est d'autant plus attendu que, depuis plus de 15 ans, la France a tout fait pour freiner le cours de la justice. Les premières plaintes contre des suspects rwandais datent de 1995. Elles sont toujours à l'instruction. D'autres ont été déposées depuis. Celle qui vise Pascal Simbikangwa est récente (2009). Mais elle a fait l'objet de diligences tout à fait inhabituelles, permises par un renouvellement du regard porté sur la question rwandaise. En clair, Nicolas Sarkozy n'était pas du tout sur la même ligne que ses deux prédécesseurs : François Mitterrand et Jacques Chirac qui voulaient occulter la proximité de Paris à l'époque avec le Rwanda génocidaire.
"Enfin, la France remplit ses obligations" lançait Patrick Baudouin, l'avocat de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme. La FIDG est l'une des cinq parties civile au procès.
Le verdict est attendu à la mi-mars. L'accusé encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Hate Radio : la radio peut tuer
Article France Culture du 11 novembre 2012.
Le pôle "génocide et crimes contre l'humanité" du TGI de Paris
Trait pour trait du 5 mars 2013.
Les Gacaca, tribunaux populaires du Rwanda
Le Bien commun du 9 mai 2013.
L'ancien numéro deux du GIGN Paul Barril visé par une plainte pour complicité de génocide au Rwanda
Journal de 22h du 25 juin 2013.
Pascal Simbikangwa, premier Rwandais jugé en France pour génocide
Trait pour trait du 6 juin 2014.