L'ancien procureur de Nanterre s'explique depuis jeudi sur la violation du secret des sources de journalistes du Monde et de manquement à ses obligations de loyauté. En 2010, il avait demandé les factures détaillées de journalistes du Monde. Il risque une sanction équivalente au retrait de ses fonctions.

Ces deux jours d'audience disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) ont dû paraître étranges à Philippe Courroye.
Plutôt habitué à requérir contre les criminels, le voici dans la position de l'"accusé", s uite à une plainte du journal Le Monde et de deux de ses journalistes. Plainte jugée recevable par le CSM, qui a décidé de lancer une procédure disciplinaire contre l'ancien procureur de Nanterre, aujourd'hui avocat général au parquet de la Cour d'appel de Paris.
Philippe Courroye est accusé d'avoir délibérément violé en 2010 le secret des sources des journalistes, en demandant les factures téléphoniques détaillées de Gérard Davet et Jacques Follorou, auteurs à l'époque d'articles sur l'affaire Bettencourt.
C'est suite à un article très détaillé sur une perquisition menée au domicile de Liliane Bettencourt que le procureur de Nanterre, saisi d'une plainte de l'avocat de l'héritière de L'Oréal, a cherché à connaître d'où venaient les informations des journalistes du Monde, théoriquement protégés par le secret des sources.
Le CSM reproche également à Philippe Courroye d'avoir manqué à ses obligations de loyauté envers sa hiérarchie et des policiers. Il aurait fait pression sur ces derniers pour qu'ils demandent l'annulation de la plainte des journalistes du Monde, ce qui aurait évité au magistrat de le faire lui-même, et d'être mis en examen par la suite. Et il est soupçonné de ne pas avoir tenu informé sa hiérarchie sur sa démarche auprès des opérateurs téléphoniques. Le parquet général de la Cour d'appel de Versailles aurait sans doute empêché l'ex-procureur de Nanterre de violer le secret des correspondances des journalistes.
Florence Sturm, journaliste à la rédaction de France Culture, revient sur les griefs du CSM à l'encontre de Philippe Courroye :
Nous étions face à des fuites récurrentes dans la presse Philippe Courroye
Mais devant la formation disciplinaire du CSM, Philippe Courroye s'est défendu pendant deux heures, et en plaidant "le droit à l'erreur".
La défense de Philippe Courroye, par Florence Sturm :
Un argument balayé par le "parquet" de la formation disciplinaire du CSM, qui estime que le magistrat ne pouvait pas ignorer la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, ainsi que les notes envoyées par le ministère de la Justice sur le respect du secret des sources des journalistes.
Dans ses observations, le représentant du ministère de la Justice a considéré que les manquements reprochés à Philippe Courroye sont caractérisés. Pour la sanction, il a demandé à ce qu'elle soit "équivalente" au retrait des fonctions du magistrat. Rapidement après l'arrivée au pouvoir de François Hollande, un décret du 2 août 2012 validait la mutation de Philippe Courroye vers le parquet général de la Cour d'appel de Paris où il assure désormais les fonctions d'avocat général.
La décision finale revient à la Garde des Sceaux Christiane Taubira, qui devrait trancher le 17 décembre prochain. Portrait de Philippe Courroye
Trait pour Trait du jeudi 14 novembre 2013.

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