Biodiversité | Un peu plus de chair par ici, plus d'oeufs par là et moins de races en général, c'est ce que fait l'homme à son bétail depuis la fin de Seconde Guerre mondiale. Bétail qui représente aujourd'hui 60% des mammifères de la planète et accentue le déclin de la biodiversité.
Dans son rapport du 30 octobre, Planète vivante, l'ONG WWF lance une alerte : la biodiversité s'effondre. Depuis les années 1970, les populations d'animaux sauvages ont chuté de 60 %. Et l'homme a clairement sa part de responsabilité.
Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) et du Conseil d'orientation stratégique de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité, estime que "l'’homme a fabriqué des animaux en fonction des productions qu’il souhaitait : par exemple on a fait des animaux à viande, on a fait des poules pondeuses qui, quand elles ne pondent pas, ne donnent pas de viande".
L'homme a génétiquement modifié son bétail
Allain Bougrain-Dubourg : "On a généré des mécaniques biologiques qui sont dépendantes du bon vouloir de l’homme. Par exemple, pour les lapins élevés dans des conditions insupportables dans des batteries, un quart d’entre eux va mourir avant d’atteindre l’âge de l'abattage. Or, savez-vous quel est l’âge de l’abattage ? Deux ou trois mois... On en est à fabriquer du vivant de cette manière. Le plus frappant c'est peut-être les animaux de chair que l’on oblige à grossir, grossir, tellement que leurs membres ne les supportent plus et qu’il faut les abattre. Des scientifiques américains et français du CNRS ont cherché à savoir quel était le volume, le poids des mammifères de la planète : 1 261 millions de tonnes de mammifères... L’homme a repartagé totalement le vivant sur cette planète."
Un processus qui s'est accéléré pendant les Trente Glorieuses
"Les changements se sont effectués essentiellement aux XIXe et XXe siècles, quand beaucoup de races ont été fabriquées, souvent localement, en fonction des régions : le porc de Gascogne, la poule de Marans, etc. Et au lendemain de la guerre, dans les Trente Glorieuses, on a voulu surproduire. On a oublié les animaux dits “rustiques”, les animaux des terroirs, pour n’avoir que des animaux qui produisent davantage. Par exemple, aujourd’hui il ne reste plus que trois ou quatre races de porcs utilisées dans les élevages, contre pas loin d’une trentaine de races à l’origine."
De l'importance de la multiplicité des races
"Les races sont singulières à des régions, elles s'adaptent à la région en question. Par exemple vous avez des races montagnardes, vous avez des races qui vivent près des zones atlantiques, etc. Et on se rend compte notamment avec le dérèglement climatique que l’on a besoin de retrouver les races les plus rustiques pour qu’elles s’adaptent au dérèglement climatique et que l’on puisse utiliser les qualités fondamentales qu’elles avaient depuis toujours. On ne pourra pas s'exonérer de ce vivant, pour survivre nous en sommes dépendants. Je vais même plus loin, je considère que c’est un crime contre l’humanité que d’être indifférent à l’égard du déclin du vivant tant il est vrai que nous ne survivrons pas sans ce tissu de biodiversité dont nous dépendons".