Pour la quatrième fois, les manifestants ont battu le pavé aujourd’hui contre la loi El Khomri. Depuis sa présentation mi-février, le texte a beaucoup évolué. Avant son arrivée dans l’hémicyle début mai, faisons le point sur ce qui a été modifié ou retiré.

Les mêmes slogans, les mêmes cortèges. Ce jeudi 31 mars, plus de 260 manifestations étaient organisées partout en France contre la loi El Khomri, qui réforme le Code du travail. Plusieurs syndicats et organisations de jeunesse (CGT, FO, Solidaires, FSU, UNEF, FIDL, UNL...) appelaient à descendre une nouvelle fois dans la rue. Ils étaient notamment 27.000 à Paris, 20.000 à Toulouse, 12.000 à Nantes, 10.000 à Rennes. Ces chiffres, donnés par la police, permettent de constater une hausse de la mobilisation par rapport à la dernière journée d'action, celle du 9 mars. Les défilés ont rassemblé 1,2 million de personnes en France, selon la CGT et FO.
Vu dans la manif parisienne contre la #LoiElKhomri. #greve31marspic.twitter.com/srD2aVE3Yn
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) March 31, 2016
Ce qui a été modifié
Présenté à la mi-février par la ministre du Travail, le projet de loi original représentait 131 pages. Mais face à la gronde, des modifications ont été apportées depuis. Elles ont été présentées le 14 mars par Manuel Valls. 24 pages ont été retirées, soit près du cinquième du texte de départ (retrouvez ici le texte réécrit).
- Le temps de travail des apprentis
Le texte original proposait d'allonger la durée légale de travail des apprentis mineurs à 10 heures par jour et 40 heures par semaine. Sous la pression de la rue, la mesure a été retirée. Aujourd'hui, les apprentis mineurs sont autorisés à travailler jusqu'à 35 heures par semaine et 8 heures par jour (sauf en cas d'autorisation de l'inspecteur du travail, sous le contrôle du médecin du travail).
- La durée du congé en cas de décès d'un proche
Jusqu'à présent, la loi fixait une durée minimale du congé d'un salarié en cas de décès d'un enfant, d'un conjoint, d'un parent... Dans le projet de loi El Khomri, le principe du congé était préservé mais la durée n'était pas fixée. C'est dans les accords d'entreprise ou de branche que la durée aurait été définie. La mesure a été supprimée.
- Le travail de nuit
Le texte prévoyait d'allonger la durée maximum de travail de nuit à 40 heures par semaine, pendant 4 mois (soit 16 semaines). Sous la pression de la mobilisation, le gouvernement a supprimé cette disposition. Aujourd’hui, la durée maximum de travail de nuit est de 40 heures par semaine, pendant 3 mois (soit 12 semaines).

- Le temps partiel
Jusqu’à maintenant, pour mettre en œuvre le temps partiel, l’employeur devait informer au préalable l’inspection du travail, de manière à éviter les abus. Le texte proposait de faciliter ce recours en supprimant cette mise en garde. Cette obligation a finalement été rétablie dans la deuxième version.
- Les indemnités de licenciement aux prud'hommes
Dans sa version actuelle, le code du travail ne prévoit pas de plafond d'indemnités accordées par les prud'hommes en cas de licenciement abusif. Il envisage seulement un minimum de six mois de salaire, en plus de l'indemnité de licenciement légale. Dans le projet de loi, l'article 30 prévoyait de plafonner l’indemnité prud’homale à 15 mois de salaire en cas de licenciement abusif. Le gouvernement a fini par céder : les barèmes seront seulement indicatifs.
- Le forfait-jours
Le dispositif "forfait-jours" concerne la moitié des cadres aujourd’hui. Il permet que le temps de travail ne soit plus compté en heures mais en jours. La loi El Khomri souhaitait étendre le dispositif aux entreprises de moins de 50 salariés, et ce, sans accord collectif. La mesure a été supprimée : cette décision ne pourra pas être prise de manière unilatérale par l'employeur : elle devra faire l'objet d'un accord des représentants syndicaux.
- Le licenciement économique
Aujourd'hui, c'est au juge qu'il appartient de définir un licenciement économique. Dans le code du travail actuel, un licenciement économique "est effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques." Dans son projet de loi initial, la ministre du Travail établissait des critères plus objectifs, notamment pour les filiales de groupes internationaux. Dans le texte réécrit, il est indiqué que "les difficultés économiques créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d'emploi ne peuvent pas constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement."
Et maintenant, rendez-vous les 5 et 9 avril
Mais cette réécriture n'est pas suffisante pour plusieurs syndicats, notamment FO et la CGT. Ils demandent le retrait pur et simple du texte. Cette journée d'action du 31 mars faisait office de grand test. Il semble réussi. Deux nouveaux rendez-vous sont d'ores et déjà fixés : mardi 5 avril, puis samedi 9 avril. L’examen du texte en commission a débuté ce mardi 29 mars à l’Assemblée nationale. Quant aux débats dans l'hémicycle, ils démarreront le mardi 3 mai.
François Hollande retire le projet de réforme constitutionnelle; pour être sur deux pieds il doit retirer p l travail . #loitravailnonmerci
— Jean-Claude Mailly (@jcmailly) March 30, 2016
Retrouvez ici la Grande table du 23 mars dernier sur le thème : "Le code du travail est-il inadapté à l’évolution du marché du travail ?"