Le monde rural du XIXè siècle est l’un des thèmes majeurs des travaux d’Alain Corbin : il étudie l’histoire de l’environnement des paysans, de leurs désirs, de leurs gestes, et pour cela, il a recours à la peinture, aux romans, à la poésie.
Le monde rural du XIXè siècle est l’un des thèmes majeurs des travaux d’Alain Corbin : il étudie l’histoire de l’environnement des paysans, de leurs désirs, de leurs gestes, et pour cela, il a recours à la peinture, aux romans, à la poésie. Dans cet intérêt pour la représentation artistique des motifs sur lesquels il travaille réside la singularité de l’historien.
En 1966, lorsqu’il s’agit de trouver un sujet de thèse, Alain Corbin alors enseignant au lycée à Limoges est chargé de travailler sur le Limousin par Ernest Labrousse, grand historien et mandarin de la Sorbonne, dont l’assistante s’appelle Michelle Perrot : Corbin et Michelle Perrot deviennent amis à cette époque. Labrousse, sûr de son autorité, décide un peu à la place de Corbin. Il a heureusement la passion des archives. Parallèlement à cette thèse d’Etat, Alain Corbin rédige une thèse de troisième cycle dont il définit lui-même le sujet. Elle consiste à mener, dans le Limousin, une enquête orale, un exercice très rarement pratiqué à l’époque par les historiens, pour demander à des femmes et des hommes suffisamment âgés pour avoir connu le Front populaire ce qu’ils pensaient de la politique entre 1934 et 1936, donc trente-trois ans plus tôt. Il est question de leurs opinions sur la Société des Nations, sur l’affaire Stavisky, sur Blum, sur l’immigration, essentiellement polonaise et italienne. La population limousine était hautement politisée. Voici donc Alain Corbin sur les routes, faisant du porte-à-porte. Les réponses, qu’il prend en note et qu’il n’enregistre pas car un magnétophone aurait fait fuir ses interlocuteurs, sont celles d’individus davantage préoccupés par le moyen terme et par leur lopin de terre ou leur très petite entreprise (un porcelainier ou un fabriquant de chaussures, par exemple) que par l’avenir du pays à long terme. Le fruit de cette enquête a été publié récemment, sous le titre suivant : Paroles de Français anonymes, au cœur des années trente, (Albin Michel, 2019).
Par Virginie Bloch-Lainé, réalisation : Massimo Bellini, prise de son : Yann Fressy.
Bibliographie
- Historien du sensible, entretiens d’Alain Corbin avec Gilles Heuré, La Découverte, 2000.
- Alain Corbin, une histoire des sens, préface de Pascal Ory, coll. « Bouquins », Robert Laffont, 2016, anthologie regroupant Le Miasme et la jonquille, Le Village des cannibales, Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot.
- Alain Corbin, un tour de France des émotions, revue Critique n°865-866, 2019.
- Alain Corbin, Sois sage, c’est la guerre, Flammarion, 2014.
- Alain Corbin, Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot, sur les traces d’un inconnu, 1798-1876, Flammarion, 1998.
- Alain Corbin, Les Conférences de Morterolles, Flammarion, 2011.
Pour aller plus loin
- L’histoire entre rêve et plaisir, entretien avec Alain Corbin, par Ivan Jablonka , le 8 novembre 2013, La vie des idées
- Portrait d’Alain Corbin en collectionneur par Judith Lyon-Caen, Critique 2019/6-7 (n° 865-866)
- Ne rien refuser d’entendre, entretien avec Alain Corbin, 3 avril 2006, Vacarme 35
- Un historien du bocage sur le sentier de la Terre, Alain Corbin, entretien réalisé pour la revue Pierre Birnbaum, Dominique Kalifa et Philippe Roger, Critique 2019/6-7 (n° 865-866)
- historien, spécialiste de l'histoire des sens