La Silicon Valley a sa série, et c'est pas jojo
La Silicon Valley a sa série. Elle s’intitule Silicon Valley et elle est en train d’être diffusée sur la chaîne américaine HBO.
Avant d’entrer plus avant dans ce que raconte cette série,le simple fait que la Silicon Valley est devenu un objet de série est en soi significatif. C'est-à-dire que la Silicon Valley est désormais un écosystème suffisamment répertorié – et suffisamment complet – pour être constitué en objet de série. Cette petite région de la Californie intègre la longue famille de ces lieux devenus feuilletons et séries : Dallas , Melrose Place , Berverly Hills , Treme (quartier de la Nouvelle-Orléans) ou West Wing . Autant de lieux doués d’une mythologie propre. Une mythologie qui appartient à la mythologie américaine. Et dans chacune de ces séries, il s’agit évidemment de jouer avec cette mythologie.
C’est ce que fait Silicon Valley en jouant avec la mythologie de la Silicon Valley. C’est le lieu de la start-up généralisée, tout le monde veut monter sa start-up, jusqu’au médecin. C’est le lieu des gourous milliardaires. Ici, le PDG d’une entreprise qui s’appelle Hoolie, et qui ressemble terriblement à Google, PDG exubérant, dictateur, végétarien et lui-même gourouïsé par un maître indien de pacotille. Ou son rival, un autre milliardaire, génie de l’investissement (s’apercevant de la présence de grains de sésame sur des hamburgers en vogue, il investit dans la production de sésame du seul des 3 pays où il n’y a aucun risque d’attaque de sauterelle, et se fait encore une fois beaucoup d’argent).
Les héros sont une bande de geeks venus créer des start-ups, forcément, et hébergés dans un soi-disant « incubateur » (en fait une grande maison) par un autre geek qui a fait une minuscule fortune en créant et revendant un site. C’est un peu la loose, il faut dire, jusqu’au jour où l’un d’entre eux attire l’attention des deux milliardaires rivaux grâce à un logiciel de compression, un algorithme qui parvient à comprimer des données à un niveau tel de compression et d’absence d’altération qu’il provoque l’admiration de tous. C’est évidemment un pied de nez des scénaristes que ce qui provoque l’admiration, ce soit la compression, certes essentielle en informatique puisqu’elle va conditionner la vitesse de circulation le stockage, mais la compression, c’est une réduction du monde. Et, implicitement, cette compression résonne avec le mantra toujours répété de la Silicon Valley, et qu’on entend à foison dans la série : « make the world a better place » « rendre le monde meilleur ». Meilleur, c’est minuscule.
La série s’inscrit dans une autre lignée : celle des séries qui ont pour héros des geeks, des fans en informatique (IT Crowd, The Office, The Big Bang Theory). Ca devient un courant à part entière, avec ses poncifs : ces gens paient leur génie informatique en n’ayant pas de corps (ou alors très gros ou trop maigre), en étant puceaux ou presque (en tout cas, ils ont rapport très immature aux femmes et au sexe), en ayant globalement une sociabilité assez étranges Et ces corps malhabiles, cette sociabilité étrange, ce sont évidemment les principaux ressorts comiques de cette série, comme des autres du même genre. A un moment, le patron du pseudo-Google observe ses salaries depuis la baie vitrée de son bureau et fait part de son étonnement de voir tous ses employés, forcément des hommes, toujours se déplacer par groupe de 5, composés toujours de la même façon, un blanc rondouillard à queue de cheval, un chinois maigre, un indien avec une chemise à carreau etc. A ces notations quasi sociologiques et très drôles, s’ajoute une hypothèse filée tout au long de la première série : il y aurait là quelque chose de pathologique. A plusieurs reprises est évoqué le syndrome d’Asperger, une forme d’autisme dont on dit qu’elle serait répandue parmi les geeks, mais c’est presque de l’ordre de la légende - par ailleurs, les médicaments et les médecins sont assez présents.
L’intérêt principal de la série, me semble-t-il, c’est la mise en scène de la violence qui règne dans la Silicon Valley. Violence de l’argent qui circule en masse et peut tout acheter (« 10 millions de dollars pour ton programme »), violence des relations entre programmeurs (avec des effets de hiérarchie compliqués par la complexité des programmes), violence de la pression sociale où ceux qui échouent sont méprisés, par ceux qui bientôt échoueront ou se feront absorber. Tout ça sur fond de fausse coolitude et de « make the world au better place ». Silicon Valley est une série cruelle.
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