
Deuxième volet de notre série sur les peuples tsiganes et roms : musique et oralité, transmettre la culture.
La notion de transmission est primordiale pour des communautés roms historiquement dispersées. Mais que transmet-on, et comment? On dit souvent de la culture rom qu’elle « ignore ses propres origines ». Les cultures roms sont pourtant d’une grande richesse. La musique y occupe une place essentielle : on joue de la musique à tous les moments importants de la vie sociale: baptêmes, mariages, enterrements, en passant par toutes les occasions imaginables. Au-delà de sa dimension festive, la musique permet aussi de mettre des mots sur la condition vécue des communautés. De dire la joie ou la tristesse, l’amusement ou la colère provoqués par une situation vécue à un moment donné, à un endroit précis.
La musique peut donc être considérée comme un liant social et communautaire, un moyen de dire sa condition et de transmettre un certain rapport au monde, une certaine culture. Nous en parlerons avec notre invité aujourd’hui, Patrick Williams.
En Europe de l’est, la musique permet aussi aux communautés roms de s’intégrer dans les cultures locales. On compte ainsi énormément de musiciens, d’orchestres roms, souvent très reconnus, qui exécutent des airs de musique roumaine. Pour ces musiciens la question de la transmission identitaire est également primordiale, mais dans un sens moins attendu : il existe en effet une « manière rom » d’exécuter telle ou telle mélodie. En quoi cette dextérité reconnue des musiciens professionnels roms participe-t-elle également de la transmission d’une identité? On peut se demander quels rapports ces musiciens professionnels, détenteurs d’une culture musicale savante, entretiennent avec les musiciens traditionnels, adeptes d’une musique non écrite, vecteur d’une transmission orale de la mémoire rom. Ces « deux mémoires » dont l’expression passe par la musique cohabitent-elles ? Se font-elles concurrence ? Quel est le statut respectif de ces musiciens dans les villages, les communautés ? Nous en parlerons avec Victor-Alexandre Stoichita.
Quoi qu’il en soit de nombreux observateurs font le constat d’une perte de vitesse de la musique traditionnelle dans les communautés roms aujourd’hui. Comment l’expliquer ? Les musiciens renonceraient-ils à enseigner aux plus jeunes leur savoir, leurs mélodies ? Ou les jeunes générations auraient-elles tout simplement d’autres références musicales, plus « branchées » ? Nous en parlerons avec une artiste, Alexandra Beaujard, chanteuse, musicienne, qui a lancé une association destinée à faire vivre et connaître la musique traditionnelle rom de Roumanie.
- ethnologue
- ethnomusicologue (Paris X), chargé de recherche au CNRS.
- chanteuse du groupe tsigane Nadara Gypsy Band.