En direct du Salon du livre : Apocalypse now ?
La création culturelle de notre XXI° siècle est décidément placée sous une bien sombre étoile. Après l'adaptation cinématographique du récit post-apocalyptique de Robert Matheson, « Je suis une légende » par Francis Lawrence, cette année voit le triomphe du grand romancier américain, Cormac McCarthy, dont le roman, « La route », s'est vendu à deux millions d'exemplaires dans son pays et triomphe aussi dans le nôtre. Nombre de jeux vidéo vous emmènent dans des univers qui n'ont rien à envier au monde brûlé, sans oiseaux, ni poissons, ni arbres, mais guetté par quelques rares survivants retournés au cannibalisme, du roman de McCarthy ou au New York dévasté du film de Lawrence. Stalker, par exemple, qui vous met dans la peau d'un des sauveteurs de Tchernobyl. Aux Etats-Unis, les adeptes de la littérature post-apocalyptique classent désormais leur genre préféré en catégories, en fonction des origines de LA catastrophe. « Nucléaire », comme On the beach de Nevil Shute, « peste », comme year Zero de jeff Long, « comète », comme Lucifer's hammer de Larry Niven. Etc. Il faut dire que la fin des temps, prophétisée par la plupart des grandes religions, reprend de l'actualité. Selon Lawrence E Joseph, journaliste américain, auteur de « Apocalypse 2012 », (Michel Lafon), « un faisceau d'indices concordant d'ordre religieux, scientifique, historique et historique indique qu'il se produira un déferlement de calamités naturelles et surnaturelles » dans quatre ans. Le calendrier maya, l'activité solaire, un hadith de l'islam, l'inversion du bouclier magnétique terrestre, les cyclones nés de la dégradation du climat, tout concourrait à notre fin programmée, selon ce livre à succès. Lawrence Joseph aura-t-il plus de chances que Paco Rabane qui ne nous voyait pas entrer dans le XXI° siècle ? Nous verrons bien. En tous cas, force est de constater que le climat moral actuel est angoissé, que le fond de l'air est apocalyptique. 60 % des New Yorkais, paraît-il, estiment qu'ils connaîtront la fin du monde. Chez nous, en France, vient de se créer un rassemblement informel de scientifiques, de philosophes et de juristes, qui se propose de renouveler les approches intellectuelles des catastrophes qui guettent notre survie, le « groupe 2040 ». Pandémies, réchauffement climatique, épuisement des ressources, dissémination nucléaire, terrorisme, guerres... la catastrophe, estime le groupe 2040, entraînent un redéploiement du discours politique en direction des logiques de prévention. « L'idée de catastrophe semble occuper la place que remplissait hier l'idée de révolution. » C'est gai !
- Anthropologue
- mathématicien et philosophe, chercheur au CNRS, enseignant en philosophie à l’Université Paris 1
- Ecrivain et producteur de l'émission "Signes des temps"