« Immoral », ce débat serait immoral, rien de moins aux yeux de la vice-présidente de la CFDT interrogée sur la remise en cause des droits accordés aux mères en matière de retraite. Pour le député de Seine-Saint-Denis Jean-Christophe Lagarde, « quand l'Europe se trompe, il faut le lui dire ». De toutes parts, et de tout le spectre politique, ce sont des réactions hostiles qui ont accueilli l'intention du gouvernement français de se mettre en règle avec les institutions bruxelloises. Condamnée par la Cour de Cassation qui en effet s'est appuyée sur la Convention européenne des droits de l'homme, la France est sommée de revoir les conditions d'attribution, jugées discriminatoires, de ces deux annuités supplémentaires par enfant : car si en vertu de cette nouvelle jurisprudence tous les pères s'adressent à la justice pour bénéficier eux-aussi de la majoration, les caisses de retraite pourraient vaciller. Mais la décision de la justice est-elle pour autant « immorale » ? Disons plutôt qu'elle cache une question théorique redoutable. En règle générale, on se bat dans le monde du travail pour une égalité dans le recrutement, dans les parcours de carrière, ainsi que dans le montant des rémunérations. Et voilà que le bonus accordé aux mères vient troubler cette neutralité recherchée. Elle fait rentrer par la fenêtre la différence père-mère que l'on essaie de faire sortir par la porte. Peut-être le faut-il, en effet, mais on voit que loin d'être choquante, la décision de la Cour de Cassation contraint la France à trouver les bons arguments pour défendre ses mesures spécifiques. Egalité ou équité ?
- professeur associé à Sciences Po
- Haut fonctionnaire, cofondatrice de la Fabrique écologique