Fifty shades of grey est-il le signe d’une nouvelle tectonique des plaques dans le domaine de la transgression ? Ce qui se cachait hier s’afficherait-il aujourd’hui ? Au-delà du phénomène éditorial, comment se portent nos fantasmes dans un monde où tous sans exception semblent à portée de clic ?

Par charité chrétienne pour cette enseigne de supermarchés dans laquelle je me rends chaque samedi pour y faire mes courses de la semaine (et parce que le CSA veille au grain), je ne dénoncerai pas nommément ce grand magasin de la rue de Vaugirard à Paris qui vient de succomber, comme tant d’autres, à la déferlante « Fifty shades of grey »
Le dit magasin dispose d’un rayon livres, maigrement achalandé, mais pas besoin d’aller jusque là pour dénicher le roman d’EL James : il vous cueille dès l’entrée, sur un présentoir : impossible de ne pas le voir.
C’est que ce livre, cheval de Troie du « mummy porn », le porno pour mamans, est une excellente affaire commerciale : une quarantaine de millions d’exemplaires vendus dans le monde selon l’éditeur 175 000 dès la 1ère semaine de sortie en France, sous le titre affriolant de « 50 nuances de Grey »
Le plan marketing est redoutable.
Mais il ne suffit évidemment pas à expliquer cet engouement pour un roman qu’on aurait autrefois dissimulé sous son matelas, de peur d’être aperçu en aussi sulfureuse compagnie.
Faut-il y voir le signe d’une nouvelle tectonique des plaques dans le domaine de la transgression : ce qui se cachait hier s’affiche aujourd’hui. Et au-delà du phénomène Fifty shades, comment se portent nos fantasmes dans un monde où ces derniers ont l’air accessibles, pour peu qu’on se donne la peine de cliquer sur un écran.
- Créatrice et dirigeante des éditions Au Diable Vauvert
- Psychanalyste et écrivain
- Rédactrice en chef de Causette
- Neuropsychiatre et neurobiologiste, de l'Académie des sciences et membre de l'Académie de médecine