Je savais qu’il était mon oncle, le frère de ma mère, qu’il m’avait adoptée lorsque j’étais devenue orpheline et qu’à ses derniers moments, il avait fait promettre à Mrs. Reed qu’elle m’élèverait comme un de ses propres enfants.
« Le jour commençait d’abandonner la chambre rouge. J’entendais la pluie battre sans relâche les fenêtres et le vent hurler dans le bosquet. Peu à peu, je devins glacée comme une pierre et tout mon courage m’abandonna. Mon humeur habituelle faite d’humiliation, de doute, et d’un sentiment d’abandon tomba comme un drap mouillé sur les cendres chaudes de ma colère. Tout le monde répétait que j’étais méchante, et peut-être l’étais-je. Ne venais-je pas de penser à me laisser mourir de faim ? Certes, c’était là un crime, mais étais-je prête à mourir ? La crypte de l’église de Gateshead était-elle un port bien attirant ? C’était dans cette crypte que Mr. Reed était enterré et, guidé par cette pensée, je me mis à songer à lui avec une terreur croissante. Je ne pouvais pas me le rappeler distinctement, mais je savais qu’il était mon oncle – le frère de ma mère –, qu’il m’avait adoptée lorsque j’étais devenue orpheline et qu’à ses derniers moments, il avait fait promettre à Mrs. Reed qu’elle m’élèverait comme un de ses propres enfants.
Une intuition me vint. Je me rappelai ce que j’avais entendu dire des morts dérangés dans leur sommeil par la violation de leurs derniers désirs et revenant sur la terre pour punir les parjures et venger les opprimés. Je pensai que l’esprit de Mr. Reed, tourmenté par les maux de l’enfant de sa sœur, pouvait quitter son lieu de repos et m’apparaître dans cette chambre. J’essuyai mes larmes et étouffai mes soupirs de peur que les témoignages d’un trop violent chagrin ne viennent éveiller une voix surnaturelle qui voudrait me consoler ou ne fasse sortir de l’ombre une face lumineuse, abaissant vers moi un regard de pitié. Cette idée, très consolante en théorie, serait terrible si elle se réalisait, et c’est de toute ma force que j’essayai de la repousser. Je relevai mes cheveux qui tombaient sur mes yeux, je levai la tête en essayant de regarder hardiment à travers la pièce obscure ; à cet instant, une lumière parut sur le mur. Était-ce, me demandai-je, un rayon de lune pénétrant par une ouverture ? Non, car cela bougeait ; tandis que je regardais, le rayon glissa vers le plafond et trembla sur ma tête. Je suppose à présent que c’était le rayon lumineux d’une lanterne portée par quelqu’un qui traversait la pelouse, mais, préparée à l’horreur comme je l’étais, je crus que le rayon rapide était le messager d’une vision de l’autre monde. Mon cœur se mit à battre follement, ma tête s’échauffa, un son qui me parut un froissement d’ailes remplit mes oreilles, je suffoquai, et je courus à la porte que je secouai d’un effort désespéré. »
Adaptation : Pauline Thimonnier
Conseillère littéraire : Emmanuelle Chevrière
Réalisation : Juliette Heymann
Avec : Julie-Marie Parmentier ( Jane), Johanna Nizard ( Mrs Reed), Jean-Claude Frissung ( Mr Lloyd), Laurent Cléry ( Mr Brocklehurst), Marie Bouvier ( Bessie), Marie-Céline Tuvache ( Miss Abbot), Pauline Ziadé ( Sarah), Pauline Belle ( John Reed), Justin Blanckaert ( Le cocher)
Et les voix de Sophie Daull et Manon Jusforgues
Bruitages : Patrick Martinache, assisté de Elodie Fiat Musique originale
Compositeur : Denis Chouillet
Quator Cactus :
Violons : Théo Ceccaldi et Anne Le Pape
Alto : Séverine Morfin
Violoncelle : Sabine Balasse
Equipe de réalisation : Claude Niort, Manon Houssin, Vivien Demeyère
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Bibliographie
Jane eyreCharlotte BrontëGallimard, 2008