#AQuoiServentLesCivicTech |Les civic tech existent depuis dix ans en France. Grâce à des innovations technologiques, elles cherchent à améliorer le système politique. La crise des "gilets jaunes" et surtout le grand débat national les placent au centre du jeu politique.
Le grand débat national organisé par la Commission Nationale du Débat Public à partir du 15 janvier s’appuiera sur une plateforme participative développée par une entreprise issue du champ de la civic tech. La crise des "gilets jaunes" agit comme un révélateur pour cet écosystème qui émerge depuis trois ans en France. Un écosystème d'une cinquantaine de structures partagé entre une partie militante et associative et une autre plus professionnalisée qui se développe en lien avec la demande des institutions publiques. Des témoignages recueillis par Anne Fauquembergue avec la collaboration Nathalie Lopes
Un écosystème dynamique mais loin d’être d’un bloc
Les technologies civiques sont d’abord la somme d’une multitude d’initiatives que Clément Mabi, spécialiste de ce sujet à l’UTC de Compiègne, a cartographié. Le maître de conférence en Science de l’information et de la communication résume : “On trouve d’un côté les projets inscrits dans une logique de contre-pouvoir, de “contre-démocratie” pour reprendre l’expression de Pierre Rosanvallon, c’est-à-dire ceux qui souhaitent former une sorte de lobby citoyen afin de peser sur les institutions de l’extérieur. À l’autre extrémité de l’axe, on trouve les projets qui collaborent fortement avec les pouvoirs publics et tentent d’agir en tenant compte des contraintes institutionnelles.”
Tatiana de Feraudy regarde cette extrémité institutionnelle que l’on peut rassembler sous le terme de GovTech. Doctorante à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, elle travaille sur les pratiques et les représentations des entrepreneurs de la civic tech. Elle nous décrit l'écosystème français sur lequel elle se spécialise :
L’incubateur Système D est notre témoin du dynamisme de l’écosystème. Il a été développé par l’association Démocratie Ouverte, un collectif de 350 acteurs de la Civic Tech, en 2016, aux Halles Civiques, à Paris. Aurore Bimont est l’une des trois cofondatrices avec Romain Slitine et Elisa Lewis, auteurs du “Coup d’Etat Citoyen”. Elle explique le choix des projets et donne des exemples d’applications d’innovations démocratiques développés en ce moment :
La crise des "gilets jaunes" révélateur des civic tech
Le collectif Démocratie Ouverte a été interpellé par les "gilets jaunes" dès le mois de novembre dernier. Sur l'Île de la Réunion, des manifestants se sont adressés à plusieurs plateformes de civic tech pour venir les aider à structurer leurs échanges. “C’est la start up Cap Collectif qui a été la plus réactive” explique Mathieu Fontaine, informaticien à Sainte-Suzanne. “De novembre à fin décembre, nous avons déposé nos revendications sur la plateforme de civic tech puis nous avons rendu publique notre propre synthèse. Depuis le 9 janvier, nous avons ouvert une nouvelle consultation sur l’évolution des règles de la vie politique qui était la préoccupation majeure de nos 4 127 participants”. Sur l’exemple de la Réunion, les "gilets jaunes" de métropole ont demandé le même type de plateforme. Elle a été fournie gratuitement il y a cinq jours à des "gilets jaunes" de la région PACA. Avec David Prost, Lydie Coulon en est l’administratrice enthousiaste :
Par ailleurs, pour aider les maires ruraux qui ont ouvert leurs mairies aux citoyens en décembre dernier, la civic tech Fluicity a proposé également un système pour rassembler et classer les doléances des citoyens explique Julie de Pimodan, la cofondatrice de la start up créée en 2016.
Le collectif Démocratie ouverte n’a pas été étonnée par la crise des "gilets jaunes". Au delà des plateformes mises à disposition gratuitement pour les "gilets jaunes" par Cap Collectif, Démocratie Ouverte a mis au point un modèle en quatre étapes pour garantir la réussite du grand débat national explique Armel le Coz, le co-fondateur du collectif :
Un écosystème en tours de vigies
L’un des acteurs historiques en France, l’association de bénévoles militants du logiciel libre Regards Citoyens regarde avec vigilance les développements récents de l’écosystème. Elle incite les citoyens à être exigeants avec le personnel politique qui met en place ces plateformes et conseille aux citoyens d’être exigeants avec les prestataires de service. Benjamin Ooghe-Tabanou est l’un des militants de Regards Citoyens. Il présente les actions de son association et il explique ses précautions :
En complément de Regards Citoyens, Valentin Chaput, le cofondateur de la civic tech Open Source Politics a contribué à notre débat sur Twitter. Il propose également des outils de participation aux collectivités mais dans une logique de “communs”, il travaille uniquement avec un logiciel libre, Decidim, développé par la mairie de Barcelone et utilisé par 25 institutions en Belgique et en France (dont la CNDP pour ses consultations hors de l'urgence du grand débat) :
Un observatoire des civic tech
Un observatoire des civic tech a également vu le jour il y a un an à l’initiative du think tank Décider Ensemble. Il s’agit d’aider les collectivités à se repérer dans l’écosystème. Marion Roth est la directrice de Décider Ensemble :
Bibliographie
Pour une démocratie citoyenne : partager le pouvoirJean-Claude Alberigo et Jacky GiralL'Harmattan, 2018
Osons réinventer la démocratie : comment rendre le pouvoir aux citoyensAlbert de SurgyEditions de l'Harmattan, 2018
Réseaux ! : le pari de l'intelligence collectiveJacques BlamontCNRS editions, 2018
Citoyen ! : plaidoyer pour une démocratie locale renouvelée Club Marc BlochEditions de l'Harmattan, 2018
Le numérique au service du renouvellement de la vie politiqueEric SalesInstitut universitaire Varenne, 2018
Parlement 2.0Jean-Marie CotteretFauves éditions, 2015