Comment la forme "bal" est-elle passée de la cour à la ville ? Du branle aux contredanses, du quadrille aux danses de couples, comment ces formes ont-elles gagné les villes (et les campagnes) après avoir été codifiées au sein des bals de cour ? Et comment la valse est-elle devenue la reine du bal ?

Emmanuel Laurentin et Perrine Kervran s'entretiennent avec Sophie Jacotot, Virginie Garandeau et Nathalie Lecomte.
Connaît-on la date de naissance du bal ? Est-il d’origine italienne ?
Nathalie Lecomte : En France, on peut faire remonter son origine à la fin du XVIe siècle, au moment où la cour, sous l’influence de Catherine de Médicis, princesse d’origine italienne, cherche à développer une stratégie de polissage, d’affinage des mœurs de la cour. Le bal de cour devient alors un événement particulier qui commence à être organisé de façon systématique. Cela se fait par l'élaboration progressive d'une danse qui va se distinguer par son style, une danse spécifique, savante. Et la singularité du bal à la française tel qu'il s’instaure sous Louis XIV, c’est la danse à deux, où le roi choisit ceux qui vont danser. Les personnes ainsi nommées savent avec qui elles vont danser, en fonction de la place qu’elles occupent dans la hiérarchie sociale. Un seul couple danse à la fois, que tout le monde regarde.
Quand le bal sort-il de l’espace privé pour entrer dans l’espace public ?
Sophie Jacotot : Ce n’est qu’à partir du règne de Louis XVI que vont se développer des bals publics moins sélectifs. Par l’intermédiaire de la création des jardins d’agrément, sur le modèle anglais de Tivoli ou de Vauxhall qui rassemble différents types de loisirs comme la promenade, le concert, le théâtre et où le bal va occuper une place de plus en plus importante. A Paris, près de la Gare Saint-Lazare dès 1766 ou au Ranelagh dès 1774, on voit s’ouvrir ces lieux qui vont démocratiser le bal, l'ouvrant à plus grande mixité sociale puisqu’on y accède plus facilement qu’au fameux bal de l’Opéra.
Pourquoi danser le 14 juillet ?
Virginie Garandeau : En juillet 1790, sur la porte d'entrée du bal de la « Salle verte » érigé sur les ruines de la Bastille était inscrit "Ici, l'on danse". On danse toujours à la fin des guerres. On dit qu’à Paris à la Libération, les gens se sont mis spontanément à danser le fox-trot dans la rue sans musique. Malgré les interdits, les règles sociales et morales, le bal c’est le grand plaisir du corps, de la musique, de la séduction, de l’échange. Et à partir de la fin du XIXe siècle, avec la découverte d’horizons plus vastes - de danses exotiques venues d’Amérique ou d’Amérique latine : fox-trot, tango, biguine, etc. - d'une nouvelle manière de bouger, d'une nouvelle corporéité qui transforment le rapport à la pudeur, et les rapports entre hommes et femmes.
Bibliographie
Danser à Paris dans l'entre-deux-guerres : lieux, pratiques et imaginaires des danses de société des Amériques, 1919-1939 alerteSophie JacototNouveau Monde, 2013
Scènes de bal, bals en scèneClaire RousierCentre national de la danse, 2011
- chercheuse, professeur d'histoire de la danse
- historienne, chercheuse associée au Centre d'histoire sociale du XXe siècle (CHS)
- historienne de la danse
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