Pour ce deuxième volet consacré à une brève histoire de l'institution de juger et de punir, et de l'invention de certaines peines, Emmanuel Laurentin s'entretient de la décapitation avec l'historien Jean-Claude Maire-Vigueur, spécialiste de la Renaissance, et avec Michel Porret, historien du droit.

Pour ce deuxième volet consacré à une brève histoire de l'institution de juger et de punir, et de l'invention de certaines peines, Emmanuel Laurentin s'entretient de la pratique de la décapitation avec l'historien Jean-Claude Maire-Vigueur, spécialiste de la Renaissance, et avec Michel Porret, historien du droit.
A qui inflige-t-on la peine de mort par décapitation à la Renaissance ?
Michel Porret : Pour comprendre le sens de la décapitation à cette époque, la clé c’est l’infamie. L’Ancien régime est une civilisation "patibulaire" c’est-à-dire que l’ensemble des actes, des rituels, des faits de justice sont liés à l’échafaud, et à sa mise en scène. Que l’on soit dans une principauté italienne, une monarchie absolue ou dans une république type Genève, il faut qu’il y ait un lien entre l’atrocité du crime et l’atrocité de la peine. Ainsi, cette équivalence symbolique opère, du bûcher de la sorcière ou de l’hérétique jusqu’à la corde du roturier en passant par la roue et la décollation, et ce de la fin du Moyen Age jusqu'à la Révolution française. Et à l’intérieur de cette vaste grammaire de la mort pénale propre à cette civilisation patibulaire de l’Ancien Régime, la décapitation vise les individus qui, en raison de leurs origines nobles, de leur rang, doivent échapper à l’infamie que représente le corps à corps avec le bourreau. La décapitation permet donc - ce que la Révolution française instaurera à partir de 1792 grâce à la mécanique de la guillotine : maintenir une distance absolue entre la main du bourreau et le supplicié.
Beatrice, Parisina et Agnese : le destin tragique de ces trois femmes de la Renaissance illustre-t-il ce privilège de la mort par décapitation ?
Jean-Claude Maire Vigueur : En effet, il n’y a aucune comparaison entre le traitement réservé à ces trois femmes nobles et celui réservé au lot commun des coupables. La décapitation à la Renaissance se pratiquait en public, au terme d’un long cérémonial destiné à impressionner les foules. Rien de tel dans ces trois cas. Elles ont été décapitées le soir ou le matin, dans l’obscurité totale et en l’absence de tout témoin. Ces seigneurs étaient très attentifs à ce que, même décapitée pour crime d’adultère, le rang de leur épouse soit respecté !
#Beatrice di Tenda #Parisina Malatesta #Agnese Visconti
Textes d'archives lus par Daniel Kenigsberg
Musiques diffusées
- Anonyme, sur un texte de Christine de Pisan, Dieux ! On se plaint trop durement
- Gaetano Donizetti, La Parisina
Bibliographie
Décapitées. Trois femmes dans l'Italie de la RenaissanceAlbin Michel, 2018
- historien
- professeur à l'Université de Genève