De La Guerre du feu à Rahan, la littérature du XXe siècle est riche de représentations (et de fantasmes) de l'origine de l'humanité. Dans "Les animaux dénaturés" (1952), fable darwinienne autant que roman d'aventures, Vercors fait s'affronter deux représentations de l'homme des origines.
Vercors, auteur de Les Animaux dénaturés, dans lequel l'écrivain met en scène un bébé hominidé, proche des Paranthropes•
Crédits : Ergy LANDAU/Gamma-Rapho / Cristina Arias/Cover/Getty Images
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Qu’est-ce qu’un hominidé ? Qu’est-ce qu’un homme ? Qu’est-ce que l’humanité ? L’homme doit-il être déterminé par son cerveau, ses outils ? Ou sa locomotion, sa bipédie ? Y a-t-il une seule souche ? Ou au contraire un « buissonnement » de son arbre généalogique ? Les origines de l’homme sont-elles multiples, polymorphes ? A situer en Afrique ou plutôt en Asie ? Après la Seconde Guerre mondiale, et dans le courant d’un mouvement de pensée qui reprend ce questionnement avec une acuité nouvelle, Vercors met en scène ces interrogations dans Les Animaux dénaturés (1952), un roman d'aventures "paléo-politique" selon Brigitte Senut, une fiction juridico-scientifique et une fable darwinienne pour Pascal Semonsut, mais dans lequel l’écrivain fait s'affronter deux représentations antagonistes des ancêtres de Sapiens.
Emmanuel Laurentin et Victor Macé de Lépinay s'entretiennent avec Pascal Semonsut, historien et Brigitte Senut, paléontologue.
Le roman de Vercors s’inscrit dans le courant de pensée de son époque qui magnifie la science et le darwinisme.
Pascal Semonsut : En effet, mais ce n'est pas propre à Vercors. Les représentations fictionnelles de la Préhistoire en général ont une mission : montrer que nous sommes le chef-d’œuvre de la création ! Que ce soit dans le roman, le cinéma ou la bande-dessinée, elles convergent pour signifier que l’hominisation est une marche ascendante. Un peu comme dans la fameuse frise où l'on voit de gauche à droite un singe se relever, perdre ses poils pour finir par se métamorphoser en ce playboy de Cro Magnon !
Brigitte Senut : Cette fresque – œuvre de l’illustrateur Rudy Salinger et diffusée dans toutes les écoles pendant des années – a en fait été tronquée : on n’en a gardé que la partie qui convenait au discours que l’on voulait tenir sur l’évolution. Au départ, elle montrait davantage de variabilité mais on n’a gardé que la partie avec le singe qui se redresse ! Cette classification hiérarchique est totalement fausse mais elle continue de faire débat.
Les extraits des Animaux dénaturés sont lus par Nathalie Kanoui.
Musique diffusée :
Benjamin Britten, Diversions, Peter Donohoe, piano, Orchestre symphonique de Birmingham, dir. Simon Rattle
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