La gauche et ses symboles
Il n’a fallu que quelques heures avant-hier pour que le Premier ministre démente François Rebsamen, le Pierre Richard du gouvernement, le Gaston Lagaffe de l’exécutif qui disait envisager un rallongement de la durée de cotisation pour financer les retraites après un rapport alarmiste de la cour des comptes à propos des complémentaires. Matignon a dit stop, alors que le COR doit publier ses prévisions pour le régime général ce jeudi, pas question d’ouvrir un nouveau front avec une partie de la gauche déjà échaudée par l’extension du travail du dimanche et l’assouplissement des 35 heures.
A gauche, il y a eu le Front Populaire puis il y a eu Mitterrand et Jospin, avec deux lignes pour l’un et l’autre. La ligne « idéaliste » d’abord, pour changer la vie, celle de la retraite à 60 ans et des 35 heures / des retraites sociétales qui ont marqué beaucoup plus profondément que n’importe réforme économique ou institutionnelle… Et puis il y a eu les mesures dites « réalistes » : la rigueur en 83, les privatisations ou le traité d’Amsterdam sous Jospin réalisés, eux, en même temps que les 35 heures.
Pour François Hollande et ses gouvernements, rien de tel. Bien sûr, certains salariés, sous conditions, ont pu partir à la retraite à 60 ans. Mais ce quinquennat n’a pour l’instant accouché d’aucune mesure sociale de grande ampleur, aucune mesure symbole et c’est là le problème de la gauche qui pour la première fois n’a aucun symbole à mettre en avant, aucun étendard à brandir en direction des salariés, ni congés payés, ni retraite, ni 35 heures.
Parce que la gauche reste encore traversée par des idéologies structurées contrairement à la droite qui s’appuie d’abord sur des valeurs, elle a besoin de ces symboles qui sont en quelque sorte l’incarnation de ces idéologies.
C’est ce qui explique les crispations au sein même du PS entre Emmanuel Macron et ceux que François Hollande appelle en privé « les socialistes du dimanche ». Les totems de gauche sont devenus des bornes entre deux courants de pensées. Aujourd’hui la question n’est plus que la gauche de gouvernement accepte l’économie de marché, les privatisations partielles ou encore des allègements de cotisations pour les fonctionnaires, c'est fait.
Mais tout débat autour du travail, de sa durée devient un sujet épidermique à gauche car il s’agit de symboles. Voilà la gauche Hollando-Vallsiste réduite à dire « nous voulons économiser 50 milliards mais avec la droite ce serait 150 milliards ». La gauche est en position défensive, réduite à défendre la politique du « moins pire » faute de pouvoir offrir un « mieux ».
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