On a appris hier la mort du philosophe, l’un des meilleurs philosophes de notre époque. Auteur d’une œuvre à la fois ample et précise, légère et lucide, joyeuse et désespérée, on doit à Clément Rosset plus d’une trentaine d’ouvrages depuis 1960, qui vont de la Logique du pire à La folie sans peine, de La philosophie tragique à L’invisible, de Schopenhauer à Malcom Lowry. Et bien sûr ses livres : Le réel et son double et Le réel : traité de l’idiotie. Oui, dans la tête et au cœur du philosophe : le réel, idiot, unique et singulier réel, évident mais que l’on veut fuir, tous sauf lui.
Emission Pas la peine de crier avec Clément Rosset
Distinct des connus Derrida, Deleuze et Foucault, que ce soit sur le papier ou à l’écouter, Clément Rosset avait un ton. C’est vrai que dans ses livres, ses phrases avaient des points… A la radio, ses tournures pouvaient, elles, s’étendre et nous laisser en suspens, en attente d’une résolution… Pourquoi le réel est-il singulier et idiot ? L’existence tragique ? Et le pire logique ? Parfois la résolution n’arrivait pas, car il n’y a pas toujours de quoi, pas de raison pas de fin, et car sa pensée était elle-même sans fin…
Avant de jouer cette « pièce brève et interminable » qu’il avait lui-composée, Clément Rosset nous prévenait : c’est une double catastrophe, pour cause d’œuvre « nulle » et d’arthrose. Il en riait lui-même. Rire du pire, comme disait Cioran, qu’il citait aux côtés de Nietzsche, Schopenhauer et Pascal. Ou on pourrait dire « faire avec », plutôt que faire face ou refuser.
Emission Remède à la mélancolie avec Clément Rosset
C’est dans Route de nuit, son journal de dépression, qu’il « pactise avec le mal », qu’il fait avec, justement. Pour ma part, j’ai fait avec Clément Rosset en arrivant sur cette émission, le jour où on m’a dit qu’un philosophe parlait de camembert, après j’ai vu qu’il parlait aussi de cuisine, de truisme, de clinamen et d’ivresse…