Ce matin dans le Journal de l’Histoire, focus sur un colloque consacré aux alliances des minorités noires et juives aux Etats-Unis dans leur combat commun pour les droits civiques et les libertés civiles.
Le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme vient de mettre en ligne sur son site les conférences qui se sont tenues pendant le colloque organisé en novembre 2019, intitulé « D’autres causes que la nôtre » et consacré aux engagements de juifs contre l’apartheid, contre le fascisme ou en faveur de l’indépendance algérienne. Parmi les nombreuses contributions d’historiennes et d’historiens, Pauline Peretz revient sur ses travaux de recherches pour une conférence sur le combat pour les droits civiques aux Etats-Unis. C’est Sarah Frioux-Salgas, modératrice, qui ouvre la séance en citant le concert officiel à Moscou de Paul Robson, artiste et militant pour les droits civiques, entonnant le chant des partisans en yiddish en soutien aux Juifs persécutés par le régime stalinien.
Une entraide à double sens
L’âge d’or de cet engagement partagé pour la reconnaissance des droits des minorités aux Etats-Unis connait son apogée dans les années 50 et 60 lorsque les revendications non-violentes s’expriment dans l’espace public et médiatique avec l’image iconique du rabbin Abraham Joshua Heschel avançant aux côtés de Martin Luther King lors de la troisième marche de Selma à Montgomery (Alabama) en mars 1965. Mais cette entraide fonctionne à double sens : en 1966, Bayard Rustin, conseiller de Luther King, participe à la manifestation de soutien à l’immigration des Juifs soviétiques.
Un destin commun semble possible
Si la séquence historique évoque immédiatement les années 50, le rapprochement des Africains-Américains et des Juifs états-uniens remonte aux années 20 et se prolonge jusqu’à la fin des années 1960. Une cinquantaine d’organisations communautaires afro-américaines et juives s’associent afin de lutter contre la ségrégation dans l’accès au logement, aux emplois, à l’université. Leur action prend la forme d'un lobbying au Congrès, et s’exprime dans les tribunaux pour la levée des obstacles à l’immigration, la déségrégation des lieux publics et des espaces de loisirs. Les argumentaires juridiques doivent servir aussi bien aux Noirs qu’aux Juifs. Si les inégalités ne touchent pas avec la même force Juifs et Noirs américains, un destin commun semble possible dans une lutte, un temps confraternelle.
Une rupture de l'alliance
Cette histoire d’entraide mutuelle entre Juifs et Noirs américains s’étend donc sur un demi-siècle et s’achève à la fin des années 1960 avec la radicalisation du mouvement pour les droits civiques, et le tournant identitaire noir qui l’accompagne, mais aussi du fait d’un repli des classes moyennes et ouvrières de la communauté juive sur leurs propres combats. La rupture de l’alliance entre Africains-Américains et Juifs marque aussi l’échec d’une gauche américaine progressiste à démontrer l’efficacité sociale des principes universalistes, à la faire ressentir par ceux qui en avaient le besoin le plus urgent.
par Anaïs Kien
Pour plus d’informations : la conférence « D’autres causes que la nôtre », au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, disponible intégralement en ligne.
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