Aujourd’hui dans le Journal de l’Histoire, l’histoire par les cartes...
Depuis son dévoilement, le plan américain pour le Moyen-Orient rencontre de fortes oppositions. Le découpage territorial proposé validerait la souveraineté israélienne sur des territoires déjà occupés depuis la Guerre des Six Jours en 1967. Des territoires appropriés, régulièrement désapprouvés par les Nations Unies, que Jared Kushner, soutenu par Donald Trump, propose d’attribuer officiellement à l’Etat d’Israël et un plan qui satisfait le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Un casse-tête permanent
Si la proposition américaine veut fixer un découpage territorial jusqu’ici instable, elle laisse les territoires palestiniens à l’état d’îlots, un casse-tête permanent qui condamne toute unité d’un espace physique palestinien.
Représenter les frontières internes de la région, c’est la tâche impossible de Khalil Tafakji qui publie son témoignage 31°Nord 35° Est, co-écrit avec la journaliste Stéphanie Maupas. Khalil Tafakji est géographe. Ancien conseiller de Yasser Arafat, membre de la délégation palestinienne pendant les négociations de paix des années 1990, il raconte comment, d’abord seul employé de la Société d’études arabes, il a dû concevoir des cartes, outils indispensables du dialogue diplomatique lorsqu’il paraissait possible.
Une géographie physique et humaine
Khalil Tafakji commence dans les années 1980 avec rien : il est interdit de posséder une carte et retrouver les frontières de la Palestine historique relève du défi, tant ses limites ont fluctué. Depuis la domination ottomane, le mandat britannique et les affrontements d’après-guerre avec le nouvel Etat israélien, comment revendiquer des frontières antérieures dont on ne connait pas le tracé ? Le cartographe se procure tout ce qu’il peut à l’étranger et part sur place pour repérer les villages arabes présents ou disparus, les implantations israéliennes et en relever les contours en évolution constante. Un travail de terrain minutieux, en contact permanent avec les populations juives et musulmanes, une géographie physique et humaine qui suit aussi l’histoire géopolitique de la Ligne Verte, la ligne de démarcation fixée et contestée depuis les accords d’armistice de 1949.
On suit son parcours : c’est l’autoportrait d’un jeune cartographe engagé pour un consensus nuancé en prise avec les réalités humaines du conflit israélo-palestinien, jusqu’au basculement, au moment de l’impression de la première carte élaborée à partir de toutes les données minutieusement accumulées. Depuis, Khalil Tafakji s’est fait militant et ambassadeur de la dénonciation de la politique du « fait accompli » de l’Etat israelien. 31°Nord 35°Est, ce sont les coordonnées géographiques de Jérusalem, haut lieu du conflit israélo-palestinien et c’est le titre de l’ouvrage de Khalil Tafakji et Stéphanie Maupas, une histoire de guerre par les cartes, aux éditions La Découverte.
par Anaïs Kien
Sons diffusés :
- Benjamin Netanyahu sur France 24, 28/01/2020
- « Accords d’Oslo » sur Euronews, le13/09/2013
- Extrait de Israël : le long de la ligne verte, réalisation Stéphane Amar, Yonathan Weitzman, Boaz Rabinovitch et Sandra Lederer, sur ARTE
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Bibliographie
31° Nord, 35° Est.Chroniques géographiques de la colonisation israélienneLa Découverte, 2020