Après la surprise du Brexit et les répliques lors de l'élection de Donald Trump et la primaire de la droite, les journalistes s'expliquent auprès des Français et questionnent leurs méthodes de travail.

Six mois après le Brexit et un mois après l'élection de Donald Trump, certains journalistes s'interrogent sur leurs habitudes de travail, leurs réflexes méthodologiques et la viabilité de leurs prismes de lecture. La situation a le mérite d’agir comme une piqûre de rappel des fondamentaux du métier. Comme on empoignerait un fer pour se débarrasser de certains plis, ces journalistes cherchent comment résister à l’impératif de l’immédiateté et du politique-feuilleton pour ne plus avoir à incarner le rôle d'oracle des urnes.
Le 8 novembre 2016, quand la victoire de Donald Trump est une certitude, les médias français sont renvoyés à leur traitement de la campagne américaine. D'après un article du journal Le Monde, Valeurs Actuelles est le seul média qui a interviewé Donald Trump. Aux États-Unis, les correspondants se demandent comment il faut se positionner face aux candidats d'une élection présidentielle.
Coupables de ne rien avoir vu venir ?
Certains journalistes culpabilisent plutôt de ne pas avoir dit. Le correspondant de France télévisions à Washington, Jacques Cardoze, lui explique très clairement : "Je m'en veux de ne pas avoir suivi mon instinct parce qu'il n'y avait pas de norme dans cette élection. Il fallait dès le départ dire "On ne sait pas, ce n'est pas parce qu'il y a 3/4 points d'écart entre les deux qu'Hillary Clinton va l'emporter". Mais aucun d'entre nous n'a eu le courage de dire ça !" Jacques Cardoze reconnaît aussi que c'est difficile d'être le seul à dire "Donald Trump peut gagner", à côté de tous les autres journalistes qui tiennent le discours inverse. Il ajoute qu'en général "on finit par se ranger".

Dire qu'on ne sait pas, c'est un des principes fondamentaux pour le co-fondateur de la Revue XXI, Patrick de Saint-Exupéry. "Lorsque vous posez comme règle que vous n'êtes pas capable et que ce n'est pas votre travail d'écrire l'avenir, se pose immédiatement la question : quel est mon travail ?" Patrick de Saint-Exupéry répond qu'il s'agit de "raconter ce qui est, le raconter de manière intelligente et parvenir à susciter les bonnes questions" auprès des auditeurs, des lecteurs et des téléspectateurs.
Et écoutez sur ces questions "La Fabrique médiatique"
Bibliographie
Le contact et la distance : le journalisme politique au risque de la connivenceLes petits matins, 2016
Pour une éthique des médias : les images aussi sont des actesEd. de l'Aube, 2016
- professeur des universités, co-éditeur de la revue Sur le journalisme
- doctorant en science politique à l'Université Paris 8, ancien enseignant à l'Université d'Auvergne et à Paris 8, spécialiste de la Palestine.
- Sémiologue, maitre de conférences à l'Université d'Avignon et des pays de Vaucluse, animatrice d’un blog de sémiologie de la télévision