Les éditions Cornélius sont nées en 1991 au cœur du 18e arrondissement de Paris avec comme maître mot : l'exigence. Depuis, elles se sont installées à Bordeaux et se sont imposées comme étendard de la bande dessinée alternative. Rencontre au bord de la Garonne avec leur fondateur Jean-Louis Gauthey.
Le Rayon BD vous emmène à Bordeaux, à la Fabrique Pola, où se sont installées il y a quelques années les éditions Cornélius. Pour présenter ces éditions en quelques mots, peut-être peut-on citer quelques un.es de leurs auteurs et autrices : Nicole Claveloux, Robert Crumb, Yoshiharu Tsuge, Hugues Micol, Blutch, Charles Burns, Shigeru Mizuki, Yoshihiro Tatsumi, Willem, Anouk Ricard, Pierre la Police ou encore pour citer leurs dernières parutions, Adrian Tomine et Antoine Maillard (L'Entaille).
Les lignes de force des éditions Cornélius
Les éditions Cornélius fêtent cette année leurs 30 ans. Pour l'occasion, le Rayon BD est allé au bord de la Garonne, interroger leur fondateur Jean-Louis Gauthey, qui depuis ses débuts, porte haut une certaine conception de l'édition et de la bande dessinée alternative. Les éditions Cornélius sont nées à Paris en 1991, dans l'appartement de Jean-Louis Gauthey, situé dans le 18ème arrondissement. Il raconte qu'il a tout appris sur le tas, en autodidacte, mais avec une exigence qui lui a permis de ne pas faire trop d'erreurs. Aujourd'hui, Cornélius a publié entre 300 et 400 titres, pour quelques dizaines d'auteur.ices.
Quand on est éditeur, on fait souvent des choix inexpliqués. C'est simplement le coup de cœur, l'envie de travailler avec un.e auteur.ice. J'y vois une forme d'éclectisme, et une recherche esthétique plurielle, qui va souvent puiser dans les puissances de l'imaginaire. C'est souvent ça qui m'attire. Même dans le cadre de la bande dessinée autobiographique, je ne l'aime que lorsqu'elle s'échappe du simple constat de ce qu'est la réalité de l'artiste. Et puis, ce sont très souvent des livres mélancoliques, et qui la plupart du temps finissent assez mal. Il n'y a pas d'auteur Cornélius, c'est plutôt Cornélius qui a la chance de pouvoir recruter une personne. Mais ce qui est sûr, même quand on travaille avec des jeunes auteur.ices c'est toujours dans l'espoir que ça progressera. Mais ça part toujours d'une grande maturité graphique et aussi d'une grande maturité thématique. J'ai la nécessité de sentir une voix.
Jean-Louis Gauthey
Le droit à l'échec
Ça m'est arrivé d'éditer des livres dont je savais qu'ils étaient porteurs de livres suivants. Je peux prendre un exemple avec la série "Mitchum" de Blutch. Je lui avais vendu comme un laboratoire, il était libre de tout tenter. Et pour le tome 4, il était parti sur un western avec des personnages exclusivement féminins. Je lui ai fait une remarque qui l'a bloqué. Ça a eu pour conséquences qu'il a raturé toutes les pages et qu'il a redessiné quelque chose de complètement autre, par dessus, une sorte de danse géométrique et tortueuse. A l'époque, ce fascicule, j'ai estimé qu'il portait en lui-même à la fois une forme de recherche assez aboutie et un échec par rapport à la série elle-même. Aujourd'hui tous ces fascicules sont regroupés en un volume, apparaissent différemment et il a du sens. Et celui qu'il a fait après est un chef-d’œuvre.
Jean-Louis Gauthey
S'affranchir des nomenclatures
Le catalogue de Cornélius est divers, avec beaucoup d'auteurs américains tels que Daniel Clowes, Adrian Tomine, Charles Burns, des auteurs francophones, et également une grande partie d'auteurs japonais comme Yoshiharu Tsuge, Shôhei Kusunoki, Yoshihiro Tatsumi ou encore Shigeru Mizuki, qui a notamment reçu le Fauve d'or en 2006, pour son album NonNonBâ, un moment charnière pour Cornélius, qui avec ce prix, a pu atteindre la certaine reconnaissance d'un public plus large.
Cette espèce de classification me pose différents problèmes. Premièrement, du manga, du comics et de la bande dessinée franco-belge, on peut accepter l'idée que ça nomme les trois grands territoires sur lesquelles la bande dessinée est apparue avec un vocabulaire assez voisin et au même moment. Mais après, vouloir organiser les librairies et les bibliothèque selon cette nomenclature, pour moi c'est du racisme, parce que ça crée des préférences qui aboutissent à un manque de curiosité. Or, j'estime que le rôle d'un éditeur c'est précisément d'entretenir la curiosité du lectorat. Je m'oppose à toute forme de nomenclatures, et je préfère les passerelles. Mon objectif c'est d'arriver à convaincre les gens, dans une complicité joyeuse, j'ai un côté missionnaire.
Jean-Louis Gauthey
- Musique de fin : Alabama Jubilee, de Robert Crumb and His Cheap Suit Serenaders (1976)
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- éditeur, fondateur de Cornélius