Rencontre avec Christophe Lavelle, commissaire scientifique de l'exposition "Je mange donc je suis" au Musée de l'Homme, à Paris

Mardi-expo
A l'occasion de l'exposition scientifique sur notre alimentation, Je mange donc je suis, au Musée de l'Homme, jusqu'au 7 juin 2020, Tewfik Hakem s'entretient avec Christophe Lavelle, commissaire - avec Marie Merlin. Une exposition qui interroge la relation de l'homme aux aliments et l'évolution des pratiques alimentaires selon les rites, les cultures voire les religions. Un banquet où s'invitent l'art, l'histoire, la science, l’anthropologie et même, la géopolitique.

C'est une exposition de 650 mètres carrés. Il y a trois salles, trois moments, surtout trois échelles différentes ; la première salle est consacrée à l'individu, la seconde aux sociétés, la dernière aux rapports entre les société à l'échelle de la planète, avec aussi un fil conducteur historique, puisque la première salle démarre avec la préhistoire et dans la dernière on termine avec les idées sur le futur.
Le domaine est si vaste, l'alimentation est un fait universel, elle concerne tout le monde. Il s'agissait de montrer toutes les problématiques soulevées par les différents enjeux de l'alimentation, tout une imbrication sociologique, géographique, philosophique, géologique, historique...
"Tous les champs de la connaissance ont quelque chose à dire sur l'alimentation"
L'alimentation est un fait social. Il y a des interactions sociales qui ajoutent des contraintes à nos manières de table et de cuisiner (on pense aux interdits religieux). Il y a un biais genré qui est partagé par nos sociétés, il y a même des aliments genrés, mais beaucoup moins de différences qu'on ne le croit.
"Dans les magazines, on imagine l'homme "viandard", la femme "salade healthy" - or sont des idées reçues, les différences apparaissent plus dans les constructions sociales"
Effectivement, la femme aujourd'hui encore, beaucoup plus que l'homme, est celle qui passe le plus de temps à préparer les repas pour la famille. Et ça, c'est clairement une différence purement sociale.

On est dans un musée, le discours se doit d'être strictement scientifique, sans parti pris sur le fait d'exposer les faits. Ca vaut pour le glyphosate, les OGM etc. C'est à chacun, en recevant ces connaissances, de se forger son idée. Il y a évidemment beaucoup de sujets plus fantasmées que d'autres ; par exemple, l'homme préhistorique intrigue, que mangeait l'homme de Neandertal ? Voir des restes d'ossements qui ont cent mille, deux cent mille ans voire un million d'années fait toujours rêver ....
"Il y a une part fascinante aussi, c'est le côté voyage, exotisme ; ce qui se passe ailleurs, que ce soit à travers les objets ou à travers les pratiques"
Une assiette va dépendre de l'individu, de la famille, du milieu social. Il y a l'inné et l'acquis - ce qu'on aime, n'aime pas - et puis, par dessus cela, au fur et à mesure se construit le goût.

Programmation musicale
Philippe Katherine, La banane (2005)

- biophysicien, professeur et chercheur au CNRS