Rencontre avec l'écrivain, Hugo Lindenberg, pour son premier roman, " Un jour ce sera vide ", paru aux éditions Christian Bourgois
Lundi-Livre
Tewfik Hakem s'entretient avec Hugo Lindenberg, journaliste et auteur d'un premier roman, Un jour ce sera vide, qui paraît aux éditions Christian Bourgois. Un petit garçon de dix ans, le narrateur de l'histoire, passe son été à la plage, en Normandie, avec sa grand-mère et sa tante schizophrène, et il observe les familles à la plage - les vraies familles, comme il dit, se prend de passion pour un autre petit garçon, Baptiste.
J'ai travaillé ce roman en partant de motifs, de scènes primitives pour raconter une histoire qui n'est pas mon histoire mais j'ai repensé par exemple à Chris Marker, dans son film, " La Jetée " qui commence par : " Ceci est l'histoire d'un homme marqué par une image d'enfance ", et cette idée que lorsqu'on a vécu des images fortes dans son enfance, on en est un peu prisonnier - qu'en tous cas, elles nous sont une voie d'accès au passé.
" Ce moment de l'enfance, où l'identité est encore très floue, où cette frontière entre ce qui est soi et ce qui n'est pas soi est poreuse, m'intéressait "
Le narrateur est un enfant de dix ans - né dans une famille où les silences sont très présents. Ce n'est pas quelque chose de décidé d'emblée, comme aussi de situer mon roman à la mer, j'ai commencé avec cette contrainte. Je voulais aussi, parce que c'est un roman sur le silence, maintenir un certain nombre de hors champs, que rien ne soit expliqué, et demeure à hauteur d'enfant.
Cet enfant est à un moment de la vie où il y a cette porosité entre le réel et l'imaginaire, cette frontière entre le monde des vivants et des morts. Il navigue dans un univers entre le monde qu'on lui présente et les blancs que lui-même doit remplir, un monde où il y a beaucoup de fantômes aussi.
" Il est là, avec ses difficultés face au monde "
Comment le silence se répand d'une famille à l'autre - ici il court sur trois générations, avec ses drames, traumatismes cachés - ca m'intéressait de montrer ça, comment ça peut avoir un impact sur la construction d'un enfant.
Le titre m'est venu au cours de l'écriture du roman, cette phrase dite à un moment par cet enfant, une phrase un peu grave pour un enfant mais qui donnait bien l'état d'esprit dans lequel il est d'avoir cette gravité et cette confiance déjà trop tôt que les choses au fond sont éphémères…
Programmation musicale
Jean Valtay, Sur une plage de Normandie, 1961
Extrait
« [La Mouche]. (…) Il faut bouger le moins possible, ne pas l'effrayer pour profiter encore un peu de sa présence. Comme avec le garçon qui ne m’a pas donné son prénom, mais que j’ai saisi au vol alors que sa mère le hélait. "Baptiste". A cet appel, il a haussé les épaules et m’a dit à demain. Me voilà l’heureux destinataire d’un rendez-vous. Pour la première fois depuis mon arrivée j’ai quelque chose à faire. Un projet. Une foule de questions aussi. Est ce qu’il a voulu dire demain à la même heure ? Est-ce qu’il a dit demain comme il aurait dit à bientôt ? Voulait il dire qu’on allait rejouer ensemble ou seulement se saluer d’un signe de tête ? Est-ce lui qui va venir me chercher ? Faut-il l’attendre au même endroit ? Que va t-on faire ensemble ? Cette rencontre a t-elle vraiment eu lieu ? Je ne suis même plus certain d’être allé à la plage ce matin. » Hugo Lindenberg, Un jour ce sera vide, éd. Christian Bourgois. (p.16)
Les Dernières Diffusions
Bibliographie
Un jour ce sera videChristian Bourgois, 2020
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