A quoi ressemble l'Enfer ?

"Si j'avais les rimes âpres et rauques comme il conviendrait à ce lugubre trou sur lequel s'appuient tous les autres rocs, j'exprimerais le suc de ma pensée plus pleinement; mais je ne les ai point, et non sans frayeur je m'apprête à parler." (L'Enfer, XXXII).
A quelles rencontres Dante et Virgile se préparent-ils en traversant l'Achéron ? A quoi ressemble l'Enfer qui les attend de l'autre côté ? L'Enfer, chez Dante, est plus qu'un espace onirique, mais une véritable forêt de symboles, de rimes venues d'un autre monde, qui restent difficile à pénétrer sans l'aide d'un bon guide. C'est pourquoi Bruno Pinchard, l'un des fondateurs de la Société Dantesque de France, a accepté de venir nous en parler.
Le texte du jour
Le lieu où nous parvînmes, pour descendre la berge, était abrupt, et un tel monstre s’y tenait que tout regard s’en serait détourné. Tel est cet éboulis qui a frappé l’Adige droit dans le flanc, au-dessous de Trente, à cause d’un tremblement de terre, ou d’un appui manquant, si bien que de la cime d’où elle tomba jusqu’à la plaine, la roche s’est ainsi écroulée qu’elle forme un chemin pour qui serait en haut, telle était la pente de ce ravin ; Et sur le bord de la roche effondrée, l’infamie de Crète était vautrée, celui qui fut conçu dans la fausse vache ; Quand il nous vit, il se mordit lui-même, comme quelqu’un qui est rongé par la colère. Mon sage lui cria : « Tu crois peut-être qu’ici se trouve le roi d’Athènes, qui te donna la mort sur terre ? Va-t’en, bête, celui-ci ne vient pas avec les leçons de ta sœur, mais il s’en va pour voir vos peines. » Tel le taureau qui rompt ses liens quand il a déjà reçu le coup mortel, et ne sait plus marcher, mais sautille çà et là, ainsi je vis sauter le Minotaure ; et mon maître avisé cria : « Cours à la brèche ; pendant qu’il rage, il est bon de descendre. » Ainsi nous descendîmes par cet amas de pierres qui souvent remuaient sous mes pieds par l’effet de la charge inhabituelle. J’avançais tout pensif ; il dit : « Tu penses peut-être à l’éboulis, qui est gardé par la colère bestiale que je viens de calmer. (…) O cupidité aveugle et colère folle, qui nous éperonne dans la courte vie, pour nous baigner si mal dans l’éternelle !
- Dante, L’Enfer, Chant XII, v.1-51, Jacqueline Risset trad., Flammarion, 1985, p.117-119
Extraits
- Cinématique du jeu Dante’s Inferno sur Playstation 3, Electronic Arts, 2010
- Dante, L’Enfer, Chant XXXIV, Dramatique, France Culture, 26/05/2004
Références musicales
- ACDC, Hells Bells
- Liszt, Consolation en mi majeur
- Liszt, Eine symphonie zu Dantes
- Liszt, Les morts
- Liszt, Deux épisodes du Faust de Lenau
- The Rolling Stones, Sympathy for the Devil
- Latraverse, La descente aux Enfers
Chroniques
Bibliographie
Pour Dante : Dante et l'Apocalypse, lectures humanistes de DanteBruno PinchardHonoré Champion, 2001
Intervenants
- professeur et doyen de la Faculté de philosophie de l’Université Jean Moulin Lyon III
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