Au fils des ans, et au fil des pages de ses "Caractères", La Bruyère observe la société et son fonctionnement, sous le joug du roi Soleil qui a tous les pouvoirs. Quelle était la pensée politique du scrutateur de son époque ? Comment pensait-il les inégalités entre la cour et le peuple ?
En 1687, l'année où La Bruyère dépose son premier manuscrit des Caractères chez son éditeur, Louis XIV va encore régner 28 ans.
Peu de temps auparavant, en 1682, la cour quitte le Louvre pour s'installer à Versailles, où la grandeur du règne se transforme peu à peu en pouvoirs éternels et rigides.
Au fil des ans, La Bruyère observe, écrit, et ajoute à ses Caractères des pages nouvelles, de plus en plus critiques à l'égard du pouvoir. Ce qui conduit le lecteur du 21ème siècle à réfléchir à nouveaux frais aux éternelles questions politiques : qu'est-ce qu'un souverain idéal ? Qu'est-ce que le peuple ? Est-il en mesure de gouverner ? Comment résorber les inégalités qui séparent les riches des pauvres ?
L'invité du jour :
Pierre Ronzeaud, professeur émérite à Aix-Marseille Université et Directeur de la revue Littératures classiques
La Bruyère, un grand timide
La Bruyère était, selon ses contemporains, timide, mal à l'aise dans les conversations de salon, avec un esprit de sérieux, sans doute lié à sa position de moraliste chrétien.
Pierre Ronzeaud
Définir le peuple
La Bruyère n'arrive pas à définir ce qu'est le peuple, c'est une notion indéfinissable puisqu'il est protéiforme et renvoie à des tas de catégories. C'est une difficulté car dans le tiers état il peut y avoir aussi bien la robe, la finance, les marchands que les pauvres ouvriers. La Bruyère emploie le mot peuple pour évoquer différentes choses : les habitants d'un pays, mais aussi le peuple chrétien, ou bien le peuple en tant que public stupide que les orateurs fascinent par leurs discours. Finalement le peuple change sans arrêt et cette versatilité l'empêche d'acquérir une véritable caractéristique.
Pierre Ronzeaud
Textes lus par Daniel Mesguich :
- Jean de La Bruyère, Les Caractères, chapitre X “Du Souverain ou de la République”, fragment 29 (remarque ajoutée en 1692 lors de la septième édition), 1688, éditions Le Livre de poche
- Jean de La Bruyère, Les Caractères, chapitre VI “Des Biens de fortune”, fragment 21, 1688, éditions Le Livre de poche
Sons diffusés :
- Chanson de Dalida, Tu n’as pas très bon caractère
- Extrait du film Le Roi danse, de Gérard Corbiau, 2000
- Adèle van Reeth lit un extrait de La Bruyère, Les Caractères, chapitre “Du Souverain ou de la République”, fragment 35 (avec une musique de Ennemond Gaultier, Chaconne du Vieux Gautier, Les divertissements de sa majesté, arrangement pour harpe)
- Extrait du film La Folie des grandeurs, de Gérard Oury, 1971
- Extrait du film Les jardins du roi, d’Alan Rickman, 2014
- Extrait de la pièce de théâtre de Molière, Le Bourgeois Gentilhomme, Acte 2, Scène V, interprétation radiophonique par la troupe de la Comédie Française, France Culture, 28 décembre 1980, mise en scène Jean-Laurent Cochet
- Adèle van Reeth lit un extrait du texte de Pascal, Trois discours sur la condition des grands, “Premier discours”, 1670
- Chanson de fin : 50 Cent, Talk About Me
Chroniques
Bibliographie
Les CaractèresLe Livre de Poche, 1976
- professeur émérite à Aix-Marseille Université et Directeur de la revue Littératures classiques