Qui était Frantz Fanon, guérisseur, militant, essayiste ? Pourquoi son œuvre est-elle indissociable de son engagement psychiatrique, politique et théorique ? Comment a-t-il conjugué ces trois dimensions ? Comment a-t-il justifié la nécessité de la décolonisation ?
Frantz Fanon naît le 20 juillet 1925 à Fort de France et meurt en 1961 à New York.
En 36 brèves années d’existence, Fanon a vécu sur trois continents (Amérique, Europe, Afrique) et inscrit sa postérité dans trois domaines : psychiatrie, écriture et action politique - dont aucun ne peut se comprendre sans les deux autres...
Portrait d'un penseur de l'anti-différence.
L'invité du jour :
Achille Mbembe, professeur d’histoire et de sciences politiques à l’université de Witwatersrand à Johannesburg, et chercheur au Wits Institute for Social and Economic Research (WISER), lauréat du prix Ernst-Bloch en 2018
Le racisme, un virus en mutation permanente
Il y a une dimension virale du racisme qui se répand, mais davantage encore, qui passe par des mutations permanentes. L’autre caractéristique du racisme c’est qu’il a une dimension -Fanon utilisait ce terme- "atmosphérique". Ici en Afrique du Sud, pendant longtemps le droit exigeait que l’on fut raciste. En 1994 l'apartheid, le système du racisme, a été aboli constitutionnellement, mais ce qu’on observe c’est que le racisme est capable de survivre à son abolition juridique.
Achille Mbembe
La maladie ou l'absence de relations
La médecine chez Fanon a pour fonction de soulager la souffrance, mais aussi la fonction d’accompagnement de restitution de l’individu malade dans une communauté. Pour lui, le malade est celui qui a été coupé de la communauté, et ayant perdu cette assise, il a par là même été privé de langage ou de “parole” selon ses mots. Le malade est en quête d’une parole perdue, au fond la communauté, comme lieu qui autorise la parole et lui donne une signification. C'est une conception de la maladie assez peu médicale en réalité. Et très sociale. La maladie c’est l’absence de relations.
Achille Mbembe
Pourquoi ne s'aime-t-on pas ?
Toute la philosophie de Fanon part de l’amour, et d’un constat : comment se fait-il qu’on ne s’aime pas ? Qu’est-ce que pourrait être l’amour libre ? Quelles sont ses conditions, non pollué par le racisme ? Comment faire place au vivant, à l’autre ?
Achille Mbembe
Fanon, philosophe de l'anti-différence
Fanon est un des grands philosophes de l'anti-différence. Il ne croit pas en la différence. Césaire, dans son dialogue avec Françoise Vergès, déclare "Nègre je suis, nègre je resterai" : c'est quelque chose que Fanon ne dirait pas du tout. Il dirait "Je suis un homme comme tous les autres", dans une pensée d'une universalité radicale. Chez lui, le Noir n’existe pas, le Blanc n’existe pas non plus.
Achille Mbembe
Sons diffusés :
- Archives de l'intervention de Frantz Fanon au premier Congrès des écrivains et artistes noirs à Paris, septembre 1956
- Chanson de Sinnamophobe Leglobe, Frantz Fanon
- Archive d'Aimé Césaire, dans Le bon plaisir, France Culture, 26 juin 1993
- Archive de Jacques Charby, dans Profils perdus
- Chanson de fin : La Rumeur, Nature Morte
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Bibliographie
Oeuvres de Frantz FanonLa Découverte, 2011
- Philosophe, politologue et historien, professeur à l’université du Witwatersrand de Johannesburg