Clint Eastwood, le cowboy des temps modernes. Si sa filmographie pouvait se résumer en une question, ce serait celle-ci : au nom de quoi l'individu peut-il mettre en œuvre sa propre loi, aux dépens de celle que lui impose l'autorité ? C'est bien parce que cette question n'a pas de réponse simple qu'Eastwood en propose des variations, au sens musical du terme, dans la plupart de ses films. Contre ceux qui pensent que la loi de l'Etat protège quand la loi individuelle est toujours dangereuse, Eastwood rétorque non pas que la seconde est toujours meilleure que la première, mais que dans les deux cas, il faut se garder d'être manichéen, et de confondre celui qui tue pour se venger, avec celui qui se tue pour en venger d'autres, sans parler de celui qui accompagne la demande de mort d'une autre personne. En quittant progressivement le film de genre pour le film d'auteurs, Eastwood quitte les plaines pour la ville, troque le shérif contre le FBI et pose la même question à nouveaux frais. Les querelles de territoires sont hissées à leur portée métaphorique pour y dépeindre ce que l'on peine à nommer : le désir de vengeance, les affres et la beauté de la vieillesse, la nécessité tragique de l'euthanasie, la difficile liberté amoureuse et politique, avec un sens de la complexité des situations rehaussé par le clair-obscur qui lui est cher. La justice est-elle toujours préférable à la vengeance ? Le combat pour sa propre liberté se fait-il nécessairement aux dépens de la liberté d'autrui ? Et pourquoi l'innocence s'accommode-t-elle si facilement de la culpabilité ? C'est parce que l'art de ce cinéaste consiste à poser ces questions dont il sait qu'elles sont sans réponses, et parce qu'il sait bien qu'aucun film n'a jamais changé le monde, que cette semaine, nous allons philosopher avec Clint Eastwood.