Comment "tout pouvoir est-il pouvoir de mise en récit"? s’interroge Patrick Boucheron. Comment "l’art de gouverner est-il noué à celui de raconter" ? Comment peut-on distinguer dans la fiction un despotisme énonciatif et politique?

Quels sont les moyens fictionnels de neutraliser la fascination qu’exerce sur chacun d’entre nous le pouvoir autoritaire?", demande encore l’historien. Qu’est ce qui se joue dans la représentation de La Délivrance de Renaud, ballet interprété par le roi Louis XIII? Patrick Boucheron, titulaire de la chaire Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIᵉ-XVIᵉ siècle, renoue cette semaine avec la grande enquête autour des "Fictions politiques", initiée l’an passé. Il nous propose aujourd’hui un grand cours d’introduction où il interroge « la tyrannie de la fiction et la fiction de la tyrannie », notamment dans le « roman du dictateur », ce genre de récit "hispano-américain", au XXe siècle, qui « mime et mine la voix du despote » avant d’expliquer à partir d’un « présent » défini comme « un passé accumulé », pourquoi il a choisi de se concentrer cette année sur l’Italie urbaine des XIIIe et XVIe siècles.
Historien, passionné de littérature, sa thèse de doctorat portait sur "l’urbanisme et la politique édilitaire à Milan au XIVe et XVe siècle", mais c’est un « retour » et une plongée dans la "novellistica toscane" qu’il nous invite. Il explique pourquoi « ces nouvelles de la tyrannie » (c’est d’ailleurs le sous-titre de sa série cette année) constituent le deuxième volet de la réflexion sur les fictions politiques. Il rappelle aussi
« quelques propositions du cours de l’année précédente sur les fictions politiques comme expérience de production de la vérité ».
Il cite Jacques Rancière, son ouvrage, Les bords de la fiction, publié en 2017 :
« Ce qui distingue la fiction de l’expérience ordinaire, ce n’est pas un défaut de réalité mais un surcroît de rationalité ».
A l’appui de nombreuses citations et des mises en intrigue, c’est aussi un passionnant voyage au coeur des textes, entre fond et forme, qu’il nous propose. A mi parcours de cette grande introduction, il rappelle que « Face au Léviathan » de Hobbes, longuement analysé l’an passé, il faut "rebrousser chemin à partir d’un point de répulsion : le nouvel âge de la représentation". C’est là qu’il introduit Louis XIII dans la fiction politique et sur la question de la préfiguration. Et nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, le 9 janvier 2018 pour le cours de Patrick Boucheron, aujourd’hui "Avant la représentation".
Pour prolonger :
- la page du cours du 9 janvier propose les références des oeuvres présentées et de nombreuses citations.4 oeuvres liées au roman du dictateur, présentées par P. Boucheron - Losada / Gallimard / Livre de Poche

- Historien, professeur au Collège de France, titulaire de la Chaire d’histoire des pouvoirs en Europe occidentale (XIIIe-XVIe siècle) et producteur de l'émission "Matières à penser" sur France Culture
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