Quatre ans après le coup d’Etat militaire en Thaïlande, l’opposition manifestait mardi pour réclamer des élections. Comme dans 5 autres pays de l’ASEAN, le repli autoritaire y est net depuis quelques années. Certains évoquent un « populisme » du Sud-Est asiatique.

Le régime thaïlandais se durcit, et l’évolution politique de l’Asie du Sud-Est laisse apparaître « des incertitudes inquiétantes », écrit Sophie Boisseau du Rocher dans le dernier rapport Ramses de l’IFRI. Depuis l’année dernière, plusieurs observateurs s’interrogent sur l’apparition de « post-démocraties » ou « démocraties illibérales » asiatiques, voire d’un « populisme » régional. Pour autant, la situation est plus complexe et révèle plutôt les difficultés de transitions démocratiques
Plusieurs centaines de manifestants et 15 arrestations au moins cette semaine, dont un ancien ministre : la tentative de l’opposition thaïlandaise de marcher sur le siège du gouvernement pour réclamer la tenue d’élections et le départ de la junte qui dirige le pays s’est soldée par un échec. Depuis les deux coups d’Etat de 2006 et 2014, les élections sont sans cesse repoussées et la date de 2019 reste hypothétique.
La situation en Thaïlande – Monarchie Constitutionnelle ancienne mais instable politiquement et dans la main des militaires depuis 2014 (« pour un retour à la normale ») illustre la crispation ou la dérive autoritaire de certains pays de la région. Au Cambodge, des élections législatives auront bien lieu dans deux mois mais les leaders de l’opposition sont neutralisés par la justice, malgré les appels de la communauté internationale à des élections équitables. En Birmanie, la tenue de prochaines élections est suspendue au bon vouloir de la junte qui a été au pouvoir pendant 40 ans et continue de contrôler le pays depuis la victoire de la Ligue Nationale pour la Démocratie d’Aung San Su Kyi en 2015.
Ce resserrement autoritaire et l’affaiblissement du pluralisme démocratique est sensible aussi en Indonésie (interdiction du principal parti musulman) et aux Philippines (un peu plus de deux ans après son élection, la campagne du président Duterte contre la drogue, usagers et dealers, a provoqué la mort de 10 000 personnes par exécutions extra-judiciaires).
S’agit-il d’un phénomène global, de crispations nationales ou de l’influence d’un « modèle chinois » sur ces 6 pays ? Les dernières élections en Malaisie, l’éviction de Najib Razak au pouvoir depuis 10 ans et la fin de 60 ans de domination de l’Umno suggèrent l’affirmation d’une demande populaire nouvelle. Le choix anachronique des électeurs pour une figure rassurante telle que l’ancien Premier ministre de 92 ans Mahathir Muhamad, l’assaut judiciaire contre Najib Razak aussitôt lancé et le retour en grâce (littéralement, gracié par le roi) de l’ancien opposant Anwar Ibrahim laisse entendre que le désir de changement de pratiques politiques a été entendu. Pour autant faut-il parler de « populisme » ?
@TEnjeux @XXMonde Centre Asie, Ifri@IFRI_asie
Quelques vidéos pour éclairer en images le thème d'aujourd'hui:




- chercheuse associée au Centre Asie de l'Institut français des relations internationales (IFRI)