D'après la chercheuse Aurélie Daher, le Hezbollah se moque pas mal des réformes exigées par les donateurs en échange de leur aide au Liban : lui, n'est pas celui qui bénéficie le plus du grand jeu de prédation des finances publiques. Et se montrer coopérant pourrait lui offrir des contreparties...
Emmanuel Macron n’a désigné personne hier en ouvrant la conférence d’aide au Liban - la deuxième depuis la double explosion cet été au port de Beyrouth. Il a de nouveau reproché aux dirigeants libanais, dans leur ensemble, de ne pas avoir tenu leur engagement de former un gouvernement, et de lancer des réformes pour que l’aide financière ne vienne pas encore financer et maintenir un système : la corruption, une oligarchie qui a contribué à l’insondable trou du secteur financier libanais.
Il n’a désigné personne donc, mais régulièrement le Hezbollah (que la France considère désormais comme un interlocuteur comme un autre) se sent visé par ces reproches, et ce qu’il estime être des « intimidations » de la part du président français.
La situation du Hezbollah dans les tentatives de changement politique et institutionnel depuis l'automne 2019 au Liban, est un peu particulière. Déjà, il est le dernier arrivé au Parlement (en 1992), comme au gouvernement (2005). Il n'a pas une présence massive dans le jeu politique libanais ou dans l'espace étatique libanais : moins de 10% des sièges au Parlement, et jamais plus de deux membres dans un gouvernement qui en ont compté entre 24 et 30. Il est en effet le premier parti politique au Liban, mais sa vraie force, ce sont ses alliances. C'est moins lui qui a un droit de veto, que la coalition de ses alliés. En l'occurrence, deux partis sont aujourd'hui les principaux acteurs du ballet actuel : Amal, le deuxième grand parti chiite mené par le chef du Parlement Nabih Berri ; et l'alter ego côté chrétien, Gebran Bassil qui mène le Courant patriotique libre. Et c'est ce trio qui fait la pluie et le beau temps. Aurélie Daher
Bibliographie
Le HezbollahAurélie DaherPRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE - PUF, 2014
- enseignante-chercheuse à Paris-Dauphine et à Sciences Po Paris.