Vladimir Poutine a été réélu sans surprise par une grande majorité des électeurs Russes. La participation en hausse et un score 76,67 % signent une sorte de triomphe pour le quatrième mandat de l’ancien espion. C’est une partie d’un système d’allégeance plutôt efficace.

Cette élection 4 ans jour pour jour après le vote sur le rattachement de la Crimée signe un triomphe militaire et politique. Le président qui avait commencé sa carrière et sa campagne par une guerre vient d’obtenir son score le plus élevé 76,67 % à plus de 99,8 % des bulletins dépouillés à 6h30 ce matin. Les offres alternatives n’ont pas suscité d’enthousiasme particulier, au contraire : le Parti Communiste de la Fédération de Russie habituel second perd 5 % par rapport à 2012, la candidate indépendante Ksenia Sobtchak, un temps donnée hier à 2,4 %, ne dépasse finalement pas les 1,5 %.
Après ce scrutin, le régime du Kremlin apparaît toujours solide et continue d’intriguer, quatre ouvrages lui sont consacrés en ce début d'année. Pour certains, ce triomphe préfigure un déclin, ou une implosion. Soit par désaffection, ce qui n’est pas le cas cette fois puisque l’abstention semble en baisse (chiffre incertain encore, sans doute plus de 60 % de participation) ; soit par un « nihilisme » caché du régime avancent d’autres…
Dictature? Non : il y a un légalisme et un respect des formes : Vladimir Poutine a cédé le pouvoir en 2008 pour revenir en 2012 - et même s'il y a beaucoup de fraudes et qu'on est dans un système sans alternance, on n'est pas non plus dans le système soviétique. Jean-Robert Raviot
Or ce régime nouveau mis en place à partir des années 2000 a des bases plus solides et rationnelles qu’on ne le présente : c’est le sens du « Prétorianisme » utilisé par Jean-Robert Raviot, un concept qui précise le fonctionnement d’un régime classé avec d’autres comme « démocrature », mélange d’autoritarisme et de procédure démocratiques. Le poutinisme serait d’abord une « korpokrature », Korpokratura du nom de ces grands groupes stratégiques comme Rosneft, Rostec, Rosatom – les korporacia – dont les dirigeants jouent aussi un rôle politique prépondérant : d’où le « prétorianisme », chacun ayant des positions de choix, une certaine autonomie, et tous ensemble constituant une certaine « garde rapprochée » de la politique du Kremlin.
D’abord mise en place comme une défense contre les oligarques (affaire Ioukos en 2003), cette stratégie est devenue une structure presque indissociable du régime, autant que le « story-telling » des grands discours présidentiels de défense contre l’Occident (Munich 2007, Sotchi 2014, ou 2016, Moscou le 1er mars dernier).
Le pouvoir cherche à en renouveler les têtes, et au moment où la relance économique s’annonce comme un des défis essentiels de ce dernier mandat pour Vladimir Poutine, la Korpokratura va-t-elle préparer la relève ou tenter de se maintenir à tout prix ?
Quelques vidéos pour éclairer en images le thème d'aujourd'hui :
- professeur de civilisation russe contemporaine à l'université Paris-Nanterre