Et pourquoi pas une France fédérale ?
Nous traversons une de ces périodes, trop rares dans notre histoire, où les Français réalisent qu’ils ont fait de mauvais choix, qu’ils ont échoué, mais qu’il est possible de redresser la barre à condition de se montrer enfin attentif à ce qui marche mieux chez les autres . Ce fut les cas après la défaite de 1815 et surtout de 1870. Aujourd’hui, Peter Hartz, le père des réformes Schröder est écouté à l’Elysée et interviewé dans Les Echos de ce matin…
En 1815, la France vaincue par l’Europe coalisée, se cherche une alternative à la double impasse de la Terreur et du bonapartisme, alors que les cosaques font boire leurs chevaux dans les bassins des Tuileries. Un grand historien comme François Guizot étudie l’Histoire de la Révolution d’Angleterre, afin de chercher en quoi la nôtre a pu mener au désastre, quand celle des Anglais a conduit à la monarchie constitutionnelle et apaisée dont il rêve. Après Sedan, les intellectuels français cherchent à comprendre pourquoi la Prusse nous a écrasés. Ernest Lavisse , le futur « instituteur de la République » s’en va, sur place, étudier comment l’université prussienne produit des esprits supérieurs aux nôtres. Et Ernest Renan propose sa « Réforme intellectuelle et morale », dans laquelle il proclame que « l’infériorité de la France a été surtout intellectuelle ».
Hé bien, il se pourrait que nous soyons entrés dans une période comparable. Nous avons appris hier que les Investissements directs étrangers , qui ont fait, dans le monde entier un bond dont même notre Union européenne bénéficie largement (+ 37 % en 2013 par rapport à 2012), se sont littéralement effondrés en France, enregistrant une chute historique de – 77 % !
Du coup, bien des livres vont paraître, qui cherchent à découvrir les origines culturelles de nos erreurs d’aiguillage : on attend avec impatience celui de Lionel Jospin sur le bonapartisme . Et bien des projets de réformes verront également le jour. Une audace intellectuelle nouvelle commence à se manifester.
Ainsi, la blogosphère intello se passionne pour la théorie de Guy Michaels et Ferdinand Rauch. Ces deux économistes prétendent que la centralisation de la France remonte au Moyen Age : les évêques ont choisi les anciennes cités romaines comme évêchés et en ont fait des capitales régionales, à travers notamment leurs foires et leurs marchés. Or, les Romains avaient fixé leurs cités sur leurs grandes voies de communication routières. Au contraire, les Anglais ont établi leurs villes, au Moyen Age, le long du cours de leurs voies d’eau navigables et ce choix s’est révélé plus adapté à l’époque : la centralisation du pouvoir remonte loin et le « mille-feuilles administratif » est solidement incrusté dans le paysage.
Raison de plus pour faire preuve d’audace dans la réforme. D’autant que l’organisation des collectivités est, dans notre pays, d’une parfaite absurdité. Chacun en convient : 36 000 communes (presque autant en France que dans le reste de l’Union européenne !), des agglomérations de communes, emploient 1 million 400 000 agents municipaux - dont l'embauche est à la quasi-discrétion du maire… et maintenant nous avons les métropoles ! Au-dessus, notre centaine de départements – bien trop exigus pour représenter des unités administratives sérieuses, mais concentrant les services de l’Etat. Au-dessus, des régions elles aussi bien trop nombreuses (22 pour la seule France métropolitaine) et d’une taille trop médiocre pour peser dans le contexte européen.
Rappel : la Bavière compte 12 millions d’habitants, le Limousin, 741 000 . Or, ces régions sont désormais en charge du développement du commerce international ! Sans compter, les innombrables agences, hautes autorités de ceci et de cela, organismes consultatifs, qui font perdre un temps précieux aux autorités obligées de leur demander des avis … Notre système administratif est complexe, absurde, opaque, dispendieux. Il constitue un véritable frein à la création d’emplois.
Parmi les propositions de réformes radicales, on relèvera celle du président de la région Ile-de-France. Jean-Paul Huchon propose de s’inspirer du modèle fédéral allemand, pour réorganiser le pays. Avec un partage clair des compétences : à l’Etat, la sécurité, la solidarité et la justice. Aux régions, dont le nombre serait réduit et la taille augmentée, les transports, l’aménagement, l’environnement et le surtout, le développement économique – ce qui inclut nécessairement l’éducation, la formation et la recherche, qui ne sauraient être dissociées. Il va sans dire que nos vieux départements, dans un tel contexte, ne serviraient plus à rien.
Si une réforme de ce genre pouvait aboutir, la discussion sur le non-cumul des mandats perdrait toute raison d’être, tant il deviendrait évident qu’un président de région n’aurait aucune envie de partager son temps avec la gestion d’une ville ou d’un mandat national.
À découvrir

Pour vous abonner, saisissez votre adresse email.