La gauche aime-t-elle encore le progrès ?
On aurait tort de négliger l’agriculture, au motif que, dans notre pays, de moins en moins d’agriculteurs produisent de plus en plus, ou encore que l’Europe est auto-suffisante. A l’échelle de la planète, la demande en produits agricoles va exploser : plus 40 % au cours des dix prochaines années. Or notre pays, puissance agricole, doit contribuer à satisfaire cette explosion prévisible des besoins alimentaires . D’ici 2050, la planète comptera aux alentours de 9 milliards d’êtres humains, et donc autant de bouches à nourrir et de préférence mieux que beaucoup ne s’alimentent aujourd’hui. La pauvreté recule dans le monde et c’est heureux les classes moyennes des émergents sont déjà - et seront demain - bien plus exigeantes pour leur alimentation que ne l’étaient leurs parents. Comme la surface de terres cultivables par habitant enregistre une tendance à la baisse, il va donc falloir imaginer des techniques nouvelles pour augmenter les rendements, afin d’accroître, dans des proportions considérables, la production alimentaire mondiale .
Ce mois-ci, s’est tenu, à Abou Dhabi, le Forum mondial pour l’innovation dans l’agriculture , consacré à ce sujet : comment produire à la fois mieux et bien davantage ? Le défi est de moderniser les méthodes des 500 millions de petites fermes agricoles des pays du Sud, en économisant les ressources en eau. William Darr, le directeur de l’Icristat, a démontré les vertus, en ce domaine, du diffuseur enterré, qui permet de réduire de 80 % l’irrigation nécessaire. Il y a été également démontré qu’en ne distribuant que la quantité nécessaire à la plante à son pied, on pouvait réduire considérablement la consommation d’engrais. On a découvert aussi que certaines terres du Sud, réputées impropres à l’agriculture, pouvaient être cultivées, telle le carrado brésilien. On a expérimenté un blé capable de fixer l’azote, à la manière des légumineuses, afin de réduire les besoins d’engrais. Sans oublier le pois chiche Arerti, résistant à la sècheresse… Et, bien sur, les OGM.
Bien des innovations apparaissent prometteuses. Mais pourquoi le Sud apparaît tellement friand d’innovations, tandis que nous, en Europe semblons, au contraire, timorés ?
Chez nous, en France, les agriculteurs croulent sous les réglementations et les contraintes, celles imposées par des préoccupations environnementales, parfois légitimes, s’ajoutant à celles déjà issues de la frénésie règlementaire bruxelloise… Le choc de simplification, ça commence quand, monsieur le Ministre ? Nos élevages souffrent d’un retard de compétitivité. Nos éleveurs ont besoin de capitaux pour se moderniser. La BPI a notamment cette mission. A-t-elle commencé à aider ?
Plus généralement, la méfiance envers les innovations techniques – pesticides, qui permettent de résister aux bactéries, champignons et insectes – qui font l’objet d’une suspicion généralisée et les OGM, créées il y a trente ans par des Français et consommée dans leur alimentation par un milliard d’individus, apparemment sans conséquences fâcheuses pour leur santé, demeurent interdits chez nous. La gauche incarne-t-elle encore le progrès, ou, au contraire, la peur devant les conséquences imprévisibles de l’innovation technologique ?