La grève du 5 décembre pourrait paralyser une partie du pays. Comment diriger cette France-là? Avec quel carnet de chèques? Et tandis que les Etats-Unis ont annoncé cette semaine considérer comme légales les colonies israéliennes, le conflit israélo-palestinien oublié réapparaît en pleine lumière.

Analyse politique et géopolitique de la semaine avec la philosophe Monique Canto-Sperber, le professeur de relations internationales Bertrand Badie, le sociologue Manuel Cervera-Marzal et le politologue et directeur de la Fondation pour l’innovation politique Dominique Reynié.
Première partie : Répare-t-on la France en sortant le carnet de chèques ?
C’est dans 11 jours : ce que le monde médiatico-politique appelle désormais le « mur du 5 décembre », grande grève interprofessionnelle qui pourrait paralyser une partie du pays.
Voici donc une nouvelle fois le pouvoir confronté à une polyphonie de mécontentements, notamment celle du monde hospitalier à qui il a annoncé cette semaine, 1,5 milliard d’euros de crédits supplémentaires, pour distribuer différentes primes aux personnels et surtout la reprise en 3 ans d’un tiers de la dette accumulée par les établissements français, soit 10 milliards d’euros. L’accueil de ce plan a été mitigé, si les hospitaliers ont salué l’effort consenti, les grévistes ont décidé de maintenir leur appel à la mobilisation. Sur le sujet des Retraites à présent, le gouvernement doit recevoir syndicat et patronat demain et après demain, tandis que le Conseil d’Orientation des retraites a remis au gouvernement un rapport qui confirme que le déficit des régimes devrait atteindre 8 à 17 milliards d’euros en 2015.
Quinquennat Macron, deuxième partie : le temps du Carnet de Chèque pourrait-on dire, si l’on se souvient que depuis la crise des Gilets Jaunes, Emmanuel Macron a revalorisé de 40 euros le salaire des policiers, qui appellent eux aussi à manifester le 5, baissé de 5 milliards les impôts (une mesure ciblée sur le milieu des classes moyennes), opéré une défiscalisation et une désocialisation des heures supplémentaires, augmenté de 100 euros les rémunérations qui sont au niveau du SMIC, supprimé la hausse de la taxe carbone, baissé la CSG des retraités modestes notamment. Quels effets de cette politique du carnet de chèque sur cette société française éruptive où les colères perdurent, nourries par le sentiment d’un accroissement des inégalités, où les mouvements de contestation sont facilités par les réseaux sociaux avec ces nouvelles formes de mobilisation « horizontales » ? Autant de sujets qu’aborde le dernier livre sorti cette semaine de Pascal Perrineau, Le Grand Ecart ou la chronique d’une démocratie fragmentée : posant avec précisions le diagnostic d’une Europe arrivée en fin de cycle, et des citoyens qui ne voient plus ce que leur apporte l’Etat providence : fatigue civique, démocratique, 1/3 des Français disant rêver désormais d’un homme fort qui se passerait des élections et ce que Pascal Perrineau appelle « une nouvelle grammaire de l’action où le registre émotionnel et affectif serait prédominant ».
Comment dès lors diriger cette France là ? Avec quel carnet de chèque ? Quels remèdes miracles ?
Manuel Cervera-Marzal "Il y a un an Agnès Buzyn a annoncé une baisse des investissements publics dans la santé de 12 milliards. Donc le gouvernement ne vient pas d'investir un chèque de 1,5 milliard pour l'hôpital, mais de faire une économie de 10 milliards" #LEspritPublicpic.twitter.com/3A95nUUlOg
— France Culture (@franceculture) November 24, 2019
Monique Canto-Sperber "On arrive aux limites d'un certain type d'exercice politique qui suscite une forte réaction dans l'opinion publique et qui peut provoquer une coalition des intérêts. (...) A côté de la crise sociale il y a une crise de l'action politique" #LEspritPublicpic.twitter.com/e60rcgZhuI
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Bertrand Badie "Le social est sorti de l'agenda politique. On nous parle de sécurité, d'immigration..., mais du social on ne parle pas, ou par défaut, ou sous forme de slogan. Alors que le social a porté notre histoire politique depuis la fin du XIXe siècle" #LEspritPublicpic.twitter.com/ZUU5jJfqJC
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.@dominiquereynie "Sur les 373 milliards d'€ de revenus du CAC40 en 2018, 262 sont reversés aux salariés,72 aux Etats et 36 aux actionnaires. Si l'on retirait cet argent aux actionnaires, nous aurions 36 milliards en plus, mais une activité qui s’effondrerait" #LEspritPublicpic.twitter.com/WX63DXMi9u
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Deuxième partie : Israël-Palestine : conflit oublié ?
Rouvrir le dossier israélo-palestinien suppose ces derniers jours de tirer plusieurs fils : celui de la politique intérieure israélienne tout d’abord : Benyamin Netanyahou alias« Bibi » est devenu le premier chef de gouvernement de l'histoire d'Israël à être inculpé pour corruption. Un véritable choc au sein de l'establishment israélien. Benyamin Netanyahou a pris la parole devant les caméras. D'emblée très clair, il a lancé : « Je vais continuer à diriger le pays, quoi qu'il advienne. » avant de tirer tous azimuts, contre la police, ses enquêteurs qui, selon lui, auraient agi comme des mafieux et les services du procureur, tous accusés d'avoir fomenté un coup d'État pour le renverser, faire tomber le gouvernement de droite. Puis est venu le tour des médias « qui, dit-il, se sont mobilisés contre lui ». Netanyahou a persisté dans la ligne qu'il défend depuis des mois : il est la victime des institutions et de la gauche, soutenue par les formations arabes. Que va-t-il se passer à présent ? Selon la loi, un chef de gouvernement ne peut être ni limogé ni forcé à démissionner, aussi longtemps qu'il n'est pas condamné par un tribunal. Après l'échec de Benny Gantz – le numéro un de la liste Bleu-Blanc – tout repart à zéro, nous y reviendrons ce matin.
Le second fil à tirer de ce dossier israélo-Palestinien nous emmène aux Etats Unis : cette semaine l’administration Trump a donné un nouveau coup de froid au consensus international sur le conflit israélo-palestinien, en annonçant que les États-Unis ne considéraient plus comme illégales les colonies de l’État hébreu en Cisjordanie occupée. Après la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d’Israël et celle de la souveraineté de l’État hébreu sur le Golan syrien, il s’agit d’une nouvelle décision spectaculaire en rupture avec la tradition diplomatique américaine, aussitôt saluée par le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et dénoncée par l’Autorité palestinienne. Mike Pompeo a livré une conférence de presse lundi au département d’État, à Washington, pour se justifier.
Enfin, reste l’inconnu du fameux « deal du siècle » annoncé par Washington : ce plan américain de résolution de la crise au Moyen-Orient annoncé par le clan Trump. Conflit israélo-palestinien, conflit oublié réapparu en pleine lumière cette semaine… un coup de projecteur sur une absence totale de perspectives.
Bertrand Badie à propos du conflit israélo-palestinien: "Aujourd'hui il y a 650 000 colons en Cisjordanie. Le pari des dirigeants israéliens a été de considérer que cette politique silencieuse du fait accompli allait peu à peu produire un nouveau droit" #LEspritPublicpic.twitter.com/xFaqdAfzrd
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Manuel Cervera-Marzal "La Cisjordanie, c'est des confettis éparpillés. 2 millions de Palestiniens vivent dans un régime d'apartheid avec 400 000 colons ou 650 000, si on compte Jérusalem Est. Les Palestiniens sont enfermés chez eux, dans une prison à ciel ouvert" #LEspritPublicpic.twitter.com/5NIE2x9SND
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Monique Canto-Sperber à propos du conflit israélo-palestinien: "La situation est désespérante. On ne sait même pas ce qu'on pourrait espérer comme règlement de paix. Pendant 20 ans on voyait les contours d'un accord possible, aujourd'hui ça n'a plus aucun sens." #LEspritPublicpic.twitter.com/ppmKsMCRhc
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.@dominiqueReynie "On retrouve dans le système démocratique israélien une particularité qu'on retrouve dans d'autres démocraties: une sorte d'incapacité à réguler ses propres crises internes. Le système israélien semble ne plus pouvoir trouver de solution" #LEspritPublicpic.twitter.com/WoqKqs3xg1
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- professeur des universités à Science Po Paris et enseignant-chercheur associé au Centre d’études et de recherches internationales (CERI).
- philosophe et sociologue à l’Université d’Aix-Marseille
- philosophe, directrice de recherche au CNRS, ancienne directrice de l’ENS et présidente fondatrice de PSL, auteure de plusieurs ouvrages de philosophie antique et philosophie morale contemporaine
- Professeur des Universités à Sciences Po et directeur général de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol)