Aujourd’hui s’ouvre le procès d’une affaire politico-judiciaire inédite en France. Pour la première fois, un ancien président de la République comparaît devant la justice pour corruption. De quoi est accusé Nicolas Sarkozy ?
Le procès de Nicolas Sarkozy pour "corruption" dans l'affaire dite des écoutes reprend ce lundi. L’ancien Président de la République est suspecté d’avoir tenté d’obtenir d’un magistrat à la Cour de cassation, Gilbert Azibert, des informations confidentielles le concernant. En échange, M. Sarkozy aurait promis d’intervenir en faveur du magistrat pour qu’il obtienne un poste de prestige à Monaco. Par ailleurs, l’ex-président sera jugé l'année prochaine pour ses dépenses excessives de campagne 2012. Il est aussi poursuivi pour le financement libyen supposé de sa campagne 2007.
Pour en parler, nous recevons Fabrice Arfi, journaliste, co-responsable du service des enquêtes à Médiapart. Il est rejoint en deuxième partie par Jean Garrigues, historien, professeur à l'université d'Orléans, président du comité d'histoire parlementaire, co-auteur avec Yvonnic Denoël de “Histoire secrète de la corruption sous la Ve République” (Nouveau Monde, 2014).
L'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy accusé de corruption
Ce soupçon judiciaire est historique puisque pour la première fois dans l'histoire judiciaire française, un ancien Président de la République va devoir répondre du soupçon de délit présumé de corruption et de trafic d'influence. Très simplement, il est suspecté d'avoir utilisé un haut magistrat de la plus haute chambre correctionnelle pénale française, la Cour de cassation, ainsi que son avocat personnel, ami depuis trente ans, Thierry Herzog. Il est accusé de les avoir utilisés pour obtenir de manière illégale sur des procédures judiciaires en cours qui le concernait et en contrepartie de cela, d'avoir pesé de tout son poids d'ancien président pour permettre aux magistrats de la Cour de cassation d'essayer d'obtenir un poste sous le soleil de Monaco. C'est un pacte corruptible présumé que les juges d'instruction ont déterminé, devant être jugé par un tribunal correctionnel. Le procès s'ouvre ce matin à Paris. Fabrice Arfi
Une affaire liée à une autre, celle dite du financement libyen
Nicolas Sarkozy et une partie de son premier cercle ont été placés sur écoute à l'automne 2013 dans le cadre de l'affaire dite du financement libyen, qui vaut d'ailleurs à Nicolas Sarkozy et à son premier cercle quatre mises en examen, dont la plus récente est "association de malfaiteurs". Figurent aussi celle de corruption, de financement illicite de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics libyens. Dans le cadre de ces écoutes, qui ont été très précieuses pour l'instruction sur le dossier des financements libyens, a été découvert ce qui deviendra l'affaire Bismuth. Fabrice Arfi
"Ça a été dénoncé et pénalisé par tout un tas d'hommes et de femmes politiques qui n'ont pas supporté ce qu'ils ont appelé les filets dérivants. Mais on ne se pose jamais cette question pour d'autres types de délinquance. Dans la lutte contre le grand banditisme, contre le narcotrafic, le terrorisme, on ne met jamais en cause le procureur, les policiers, etc. Quand la délinquance est en col blanc, alors la justice devient un problème." Fabrice Arfi
Un rebondissement dans le dossier libyen
Le 11 novembre dernier, il y a eu un rebondissement dans le dossier libyen. L'homme d'affaires libanais Ziad Takieddine, en cavale au Liban, a indiqué que Nicolas Sarkozy n'a pas eu de financement libyen pour la campagne présidentielle. Néanmoins, on assiste selon moi littéralement à une sorte de laboratoire d'un trumpisme judiciaire à la française ou sur la foi des déclarations de 32 secondes à BFM TV. Cette rétractation n'en est en réalité pas car Ziad Takkieddine n'est pas allé le rapporter aux juges d'instruction. Fabrice Arfi
Les affaires Sarkozy : un tournant
Il y a quelque chose d'historique. Il y a vraiment eu une spécificité de la période présidentielle de Nicolas Sarkozy. Par ailleurs, cela manifeste une sorte de réveil. La poursuite des investigations qui a entreprise depuis les années 90 par le contre-pouvoir judiciaire, les magistrats qu'on appelait les petits juges à l'époque du contre-pouvoir médiatique - a fait bouger les choses. Les politiques travaillaient et agissaient dans une forme d'impunité quasi totale qui était néfaste à la démocratie. Jean Garrigues
Vous pouvez (ré)écouter l'interview en intégralité en cliquant sur le player en haut à gauche de cette page.
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Chroniques
- historien, professeur à l'université d'Orléans, président du comité d'histoire parlementaire
- journaliste d'investigation à Mediapart