Le metteur en scène lisboète revient au théâtre de la Bastille avec « Bovary » ; une pièce inspirée du réquisitoire et de la plaidoirie du procès intenté à Gustave Flaubert en 1857, ainsi que de son roman « Madame Bovary » et de sa correspondance, notamment avec Elisa Schlesinger. Du 1er au 28 mars.

Si l'on en venait à supprimer le mot passion du dictionnaire, verrait-on de ce pas disparaître les passions ? La puissance des mots s'étend-elle jusque-là ? Alors qu'il est jugé pour atteinte à la morale, Flaubert entend non seulement défendre son roman Madame Bovary, mais paie de sa poche pour que soit gardée la mémoire des mots utilisés contre son texte, contre lui, contre la littérature, et contre Emma Bovary elle-même. Il paie pour que l'on n'oublie pas cette violente stupidité. Les mots contaminent, ils ont du sens et il peuvent avoir une action. Ils se propagent aussi vivement que se propage le désir dans la mise en scène de Bovary, de Tiago Rodrigues. Des lettres de Flaubert se mêlent au compte-rendu du procès, à des passages du roman. La littérature démontre sa puissance. Tiago Rodrigues reprend Bovary au Théâtre de la Bastille, à Paris, là où la pièce a été créée, en 2016.
Je me rappelle avoir lu "Madame Bovary", à treize ans, il y avait de la fièvre là. C'est un roman qui transforme, qui interpelle.
J'ai grandi dans des lieux où des gens parlaient entre eux ; ma mère, médecin dans un hôpital, mon père, journaliste. Enfant, je jouais dans des cafés, des hôpitaux quand je n'allais pas à l'école. Ma participation au monde se faisait mieux avec les mots. Je ne savais pas "faire": je parlais, ça se passait bien.
Ça brûle trop, là on devient Antigone : "Je veux tout maintenant". On veut passer par elle, mais on ne peut pas tout le temps. Dans les moments cruciaux, on doit savoir qui est Antigone, et la localiser en soi.
Emma Bovary, en tant que personne, a quelque chose pour moi qui est présent dans toutes les oeuvre d'art, et qui est inexplicable, qu'on ne peut pas saisir, toucher, s'approprier. Qu'on peut ressentir mais pas verbaliser, ni mettre dans une boîte et fermer la boîte. Je pense que toutes les grandes œuvres d'art sont chargées d'une part d'inexplicable.
Programmation musicale :
- Bertrand Belin, Ta peau
- Lhassa, Mille et une nuits
- Générique de fin, Lucienne Boyer, Parlez-moi d'amour
Site du Théâtre de la Bastille et dates de tournée de Bovary
Bibliographie
BovaryTiago RodriguesLes Solitaires intempestifs, 2015
- Auteur et metteur en scène, directeur du Théâtre National Dona Maria II à Lisbonne