Un continent ? Une organisation économique ? Politique ? Un idéal démocratique ?Les citoyens européens ont du mal à définir ce qu'est l'Europe. Pixel s'intéresse donc au regard des "étrangers". Etrangers dans le sens de la citoyenneté européenne, mais la plupart des personnes interrogées vivent en France depuis plusieurs années. De la Chine aux Etats-Unis, de l'Algérie à l'Islande, en passant par la Suisse, tour d'horizon éclairant sur la perception de l'Union européenne en dehors de nos frontières. Reportage d'Abdelhak El Idrissi.

Une belle chose
Dans les rues du quartier parisien de Belleville, les enseignes chinoises se succèdent.Attablée dans un bar coincé entre deux enseignes chinoises, Fatima grignote un sandwich . Elle est arrivée d'Algérie en 2001 et est admirative d'un projet commun économique et politique. "Pourquoi ces frontières ? Pourquoi ces différences ? Pour moi un Français et un Espagnol c'est pareil" :
Un désintérêt flagrant
Autour du bar, la communauté chinoise est très bien implantée. Pour être précis, il faudrait plutôt parler des communautés chinoises, tant les situations et les profils sont différents. Entre les enfants récemment arrivés de Chine et ceux nés en France. Entre les adultes présents depuis des décennies et naturalisés, et ceux n'ayant toujours pas accédé à la nationalité française.
Lorsque l'on pose des questions sur les élections, les institutions, les personnalités européennes, les réponses sont les mêmes : "connais pas" , "sais pas" .
Petit test avec Kim Poo, arrivé en France il y a 30 ans.
De l'Europe il ne sait quasiment rien, même pas la tenue des élections de ce dimanche 25 mai en France :

Des réponses sans surprise pour Donatien Schramm, le Français le pus Chinois de Belleville.
Il a appris à parler mandarin dans la rue, au fil des ans, jusqu'à parfaitement maîtriser la langue. Marcher avec lui dans la rue, c'est la garantie de s'arrêter tous les deux mètres pour saluer un enfant, un vendeur.
Il explique, à partir de tout ce qu'il entend auprès des habitants, que l'Europe est seulement vue comme un continent : "L'Europe en tant que communauté européenne, ils ne connaissent pas. (…) Par exemple ils ne savent pas que la Suisse ne fait pas partie de l'Union européenne, pour eux c'est un peu la même chose" :
Une coquille vide sans politique unie

Cette méconnaissance de l'Union européenne est confirmée par Tamara Lui, responsable du bureau parisien du journal chinois Sing Tao Daily , non publié en Chine, mais tiré à 130.000 exemplaires à travers l'Europe, six jours sur sept.
Tamara Lui estime que les Chinois s'intéressent à l'Union européenne et son fonctionnement lorsqu'ils sont directement concernés, dans leur vie au quotidien : les règles de circulation dans l'espace Schengen, les règles et quotas européens sur l'importation du textile, etc…
Mais au-delà, "l'Europe reste difficile à déchiffrer, surtout quand les Etats membres ne parlent pas "d'une seule voix" :

A l'instar de Tamara Lui et Donatien Schramm, l'Américain Tony Paschall évoque le problème de lisibilité pour évoquer l'Union européenne. Il vit en France depuis 30 ans et a créé en 2001 l'Association des électeurs américains de l'étranger.
"Les Américains voient une Europe qui ne fait que du lobbying économique, et pas une organisation qui œuvre pour la paix" :
Un machin
Après la Chine et les Etats-Unis, intéressons-nous à deux pays beaucoup plus proche de l'Europe, et même en plein cœur de l'Europe pour l'un deux : la Suisse et l'Islande.

La Suisse dans l'Union européenne ? Ce n'est pas pour demain. En 1992, le pays avait même refusé de ratifier la convention de l'espace économique européen.De par son histoire et vu les "problèmes" de l'intégration européenne, les Suisses s'estiment à bonne distance de l'Union Européenne : partenaire privilégié sans être partie prenante.Car les Suisses, comme le rédacteur en chef du magazine Suisse Magazine, Philippe Alliaume ont conscience que des "divergences fondamentales" existent entre la Suisse et l'Union européenne. D'ailleurs, l'UE est vue comme "un machin" aujourd'hui éloigné de l'idéal prôné par Robert Schuman et les Pères de l'Europe.
Philippe Alliaume explique pourquoi la Suisse n'est pas prête d'intégrer l'Union européenne :
"Ce n'est pas l'idée de 'lUE qui nous choque, mais sa réalisation pratique" :
L'Islande semble emprunter le même chemin que la Suisse. En janvier 2014, le gouvernement islandais a même suspendu le processus d'adhésion à l'Union européenne, alors que le parti au pouvoir avait promis un référendum sur la question de l'adhésion. Cela ne veut pas dire que les Islandais seraient favorables à une adhésion à l'UE. Car ces dernières années, les habitants ont pris conscience des avantages à ne pas faire partie d'un ensemble plus grand.
En 2008, lors de la crise financière, le pays a réussi à se sortir de la crise, notamment en dévaluant la monnaie pour stimuler les exportations et en nationalisant les banques pour les assainir. Deux mesures inenvisageables si l'Islande était membre de l'Union Européenne.
Autre argument : l'île n'est pas soumise aux quotas de l'UE sur la pêche, principal moteur de l'économie islandaise.
Pour Ragnar Hjartarson, de l'association France Islande , il y a plus d'inconvénients que d'avantages à rentrer dans l'UE :
Dans un sondage de 2013 du Pew Center, on apprenait que l'Union européenne avait globalement une bonne opinion à l'étranger : avec 54% d’opinions favorables (médiane). 63% des Russes avaient une image positive de l’UE, 61% pour les Japonais, 54% pour les Brésiliens, 50% pour les Américains. Et seulement 37% des Chinois et 26% des Turcs avaient une image positive de l’Europe.