Comment peut-on expliquer qu'à l'occasion de la commémoration des 60 ans de sa mort, Albert Camus connaisse un retour en grâce indiscutable alors qu'il avait été traité avec mépris de son vivant pas la classe intellectuelle ?

A la fin des années 60 du XX° siècle, on était pas tendre dans le monde intellectuel pour Albert Camus. On le regardait de haut. On le trouvait un peu boy-scout face aux penseurs structuralistes qui brillaient de tous leurs feux, son humanisme affiché ne tenait pas la route. La Peste et Le mythe de Sisyphe le reléguaient à peine au rang de philosophe pour classes terminales.
En 1976 encore, Pierre Bourdieu présentait l'homme révolté comme
un bréviaire de philosophie édifiante, sans autre unité que le vague à l'âme égotiste qui sied aux adolescentes hypokhâgneuses et qui assure à tout coup une réputation de belle âme.
Le mépris assassin n'est plus de mise aujourd'hui. Comme en témoignent les commémorations de sa mort Albert Camus fait l'unanimité. A droite, au centre, à gauche tout le monde le cite, l'apprécie, le célèbre.
Je voudrais demander à mes invités comment expliquer ce triomphe total et tardif. Cela tiendrait-il au fait que , comme l'écrivait Sartre au lendemain de son accident,
Camus réaffirmait, au cœur de notre époque, contre les machiavéliens, contre le veau d'or du réalisme, l'existence du fait moral ?
Les Dernières Diffusions
Bibliographie
Camus, des pays de libertéStock, 2020
Le Figaro, hors-série, Camus : l'écriture, la révolte, la nostalgieLe Figaro magazine
- historien, chercheur titulaire à l'Ehess, inspecteur général de l'Education nationale, professeur associé à Sciences-Po.
- directeur adjoint de la rédaction du Figaro.