“Dans la rubrique « Notre époque est formidable », des étudiants chercheurs du Media Lab de la prestigieuse université MIT, au Massachusetts, ont mis au point un prototype baptisé « Motherboard » , apprend-on dans Le Monde . Il s’agit d’un livre prolongé par un harnais bourré de capteurs, que le lecteur endosse pour ressentir l’ambiance d’un roman et les émotions éprouvées par les personnages. Changements de lumière LED ou de température, contractions du ventre, frissons, vibrations destinées à accroître le rythme cardiaque, traduisent l’angoisse, la gêne ou l’excitation. Après le livre électronique, le livre à réalité augmentée, présenté par les chercheurs sous le nom de « fiction sensorielle ».” On ne sait quel texte a été choisi pour l’expérience, peut-être un livre érotique, tant ils sont aujourd’hui à la mode ? 100 millions d’exemplaires de la saga érotique 50 Shades of Grey , signée E.L. James ont ainsi été vendus dans le monde, a-t-on lu dans une brève de Libération. “La trilogie, traduite dans 51 langues et classée durant cent semaines dans la liste des meilleures ventes du New York Times, a été également adaptée au cinéma. Le long métrage sortira le 11 février 2015.” Fatalement, “en l’espace d’un an et demi, dans le sillage des Cinquante nuances, [des] séries sentimentales érotiques ont fleuri dans le paysage éditorial français et sur la table de chevet de nos concitoyennes , constate Françoise Dargent dans Le Figaro. Le phénomène est semblable partout en Europe, venu des Etats-Unis où tout a commencé. Certains prédisaient une simple étincelle, mais il semblerait que le feu ait pris. Comme toujours dans ce domaine, où les modes vont et viennent (on se souvient des vampires aujourd’hui retournés aux oubliettes), les éditeurs avancent prudemment, mais ils ne sont plus masqués. On pressent qu’aujourd’hui, aucun ne dirait non à la future poule aux œufs d’or. […] Des livres pour les femmes écrits par des femmes : voilà la définition que donnent tous les éditeurs, qui sont d’ailleurs plutôt des éditrices, de ces nouveaux ouvrages. Alors que ce type de livres étaient traditionnellement écrits par des hommes à l’attention d’un public masculin, l’arrivée de ces objets littéraires, identifiés comme typiquement féminins, a renouvelé le genre. […] « Le rapport à ce type de lectures a complètement changé », remarque Alice Sibony, éditrice chez Marabout. L’éditeur traditionnellement réputé pour ses livres de cuisine met désormais du beurre dans ses épinards avec « Red Velvet », une collection de romans érotiques, créée il y a un peu plus d’un an. Et l’une des premières séries publiées, Tout ce qu’il voudra de Sarah Fawks, s’est très bien vendue, à 200 000 exemplaires, précise l’éditeur. « Cette série est assez emblématique de ce qui se fait aujourd’hui. Elle est originale, avec une intrigue policière qui sous-tend le propos. Les lectrices s’attachent à l’héroïne et achètent les tomes au fur et à mesure de leur sortie », souligne Alice Sibony, qui note l’influence des séries télévisées américaines sur le comportement des lectrices tout en nuançant : « Certes, la série permet d’utiliser plus de ressorts au niveau de la narration et de faire évoluer le personnage, mais il ne faut pas oublier que de nombreuses pages sont prises par les scènes de sexe ! » Le sexe, le voilà. Car, effectivement, les scènes qui lui sont dévolues sont plutôt explicites à défaut d’être très originales, puisque beaucoup sont calquées sur le même diptyque de l’homme dominateur et de la novice. […] Des fantasmes, très stéréotypés, car nourris à la culture américaine , juge Le Figaro. Les romancières anglo-saxonnes peinent à s’affranchir de l’image du bellâtre puissant aux attributs aussi sonnants que trébuchants, physique à la Brad Pitt, société au CAC40, hélicoptère privé et penthouse à Manhattan. […] « Quand on les interroge, les lectrices et les éditeurs ont tendance à mettre en avant l’histoire d’amour, la romance… Or ils oublient de rappeler qu’il y a une scène de sexe toutes les cinq pages », remarque, amusée, Elsa Lafon chez Michel Lafon. L’éditrice en sait quelque chose qui vient juste de publier Te succomber de Jasinda Wilder, une histoire d’amour (et donc de sexe) entre des personnages tout juste majeurs. Elle rebondit sur un courant venu des Etats-Unis, les livres érotiques calibrés pour les 18-25 ans. Prudente, l’éditrice a préféré mettre un avertissement en quatrième de couverture, mentionnant que « les scènes de sexe explicites » pouvaient choquer. A la lisière du rayon jeunesse, mieux vaut se protéger.” Et ce sous-genre a un nom : le « new adult ». “Jusqu’à présent , nous explique Renaud Baronian dans Le Parisien , les jeunes lectrices de 13 à 18 ans étaient rangées sous l’étiquette Young adult (« jeune adulte », en France), avec des séries phares comme Twilight ou Lune mauve, des histoires fantastiques, avec une héroïne qui s’entiche d’un vampire ou d’un play-boy avec des superpouvoirs. Leurs amours restent platoniques, les personnages étant trop jeunes pour aller jusqu’à l’acte sexuel. A l’autre bout de la chaîne, la romance érotique moderne façon « Mummy Porn ». Mais entre les deux, rien, jusqu’à la publication sur Internet, l’an dernier, d’ouvrages tels que Te succomber, Unbroken ou Loin de tout, destinés aux 18-25 ans : des romances avec des personnages jeunes qui emploient un langage cru et quelques scènes de sexe. Face au succès, un éditeur américain a lancé l’expression new adult. Un genre était né, et pour les éditeurs américains un filon capable de séduire une génération réticente à la lecture. […] Si chaque livre raconte une histoire différente, la trame demeure plus ou moins la même : une jeune fille qui vient de subir une perte ou un chagrin d’amour croise la route d’un garçon atypique ou marginal. A son contact, elle va découvrir l’amour fou et le plaisir…” On reste loin du Marquis de Sade et de ses Cent Vingt journées de Sodome , dont le Musée des lettres et manuscrits vient d’acquérir le manuscrit…
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