Par Thomas CLUZEL
Faut-il suspendre les travaux de la nouvelle Mosquée d’Alger ? La polémique refait surface ces derniers jours. Il faut dire que le projet, vœu quasi obsessionnel du président Bouteflika est pour le moins grandiose : un minaret de 270 mètres, le plus haut du monde, 25 étages, une salle de prière pouvant contenir jusqu’à 120 000 fidèles, le tout construit sur 20 hectares face à la baie d'Alger dans l'est de la capitale.
Or pour permettre au chef de l’Etat d’assouvir son désir de grandeur, la collectivité nationale devra consentir un effort d’au moins 1 milliard d’euros soit peu ou prou le gros des recettes que tire le pays de ses maigres exportations hors hydrocarbures. Et encore il ne s’agit là que d’une évaluation officielle des coûts mais certains parlent déjà non pas de 1 mais 3, 4 voire même 5 milliards d’euros. Une réévaluation d'ailleurs qui sera rendue nécessaire sans qu’on sache trop pourquoi comme ce fut le cas pour d’autres grands projets en Algérie à l’instar de l’autoroute Est-Ouest dont la mise en chantier a révélé un énorme scandale financier. D'où le titre de cet article à lire dans les colonnes d'EL WATAN : un budget faramineux pour un projet inutile.
Et les griefs ne se limitent pas seulement à l'aspect financier puisqu' on n’est même pas sûr précise toujours le quotidien d'Alger que l'édifice pourra résister à d’éventuels séismes ou autres phénomènes d’érosion. Sans compter que la grande mosquée une fois édifiée consommera encore d’importantes enveloppes budgétaires pour couvrir ses besoins de fonctionnement et d'entretien. Aussi quand bien même la future mosquée n’aurait jamais sa pareille dans le monde, l’effort financier colossal que sa réalisation fait supporter au budget de l’Etat estime l'éditorialiste dénote surtout de la propension des dirigeants à se complaire dans une logique d’allocation inconsidérée des ressources publiques.
Alors les travaux ont débuté le 16 août dernier mais mardi une nouvelle pétition a donc commencé à circuler sur le Net. Car dans un pays où le taux de chômage dépasse allègrement les 10% et où un jeune sur quatre tient les murs en attendant de trouver un emploi écrit de son côté JEUNE AFRIQUE, un pays où les problèmes de logement mais aussi de santé publique de transports, d’électricité, d’eau, d'éducation sont patents beaucoup auraient bien entendu préféré voir cette somme d’argent colossale investie dans des secteurs jugés prioritaires.
N’est-ce pas un acte de tyrannie que d’imposer un projet aussi onéreux et qui plus est improductif dans un contexte de crise économique mondiale interroge à nouveau EL WATAN.
Et son confrère du site d'information en ligne OUMMA d'ajouter : Passe encore le gigantisme, la nature superfétatoire et le coût faramineux de ce projet, si seulement l’édification de la Grande Mosquée d’Alger avait été la mine d’emplois pré-annoncée par des officiels très enthousiastes ? Mais non puisque le contrat a été alloué à une société chinoise, cette Chine toute puissante écrit l'éditorialiste qui vole le pain des algériens avec la bénédiction du président Bouteflika. 10 000 ouvriers chinois nourris logés blanchis et surtout rémunérés vont débarquer de l’autre côté de la méditerranée pour s’atteler à la construction du phare majestueux de l’islam. De quoi anéantir donc les espoirs de milliers de jeunes qui pouvaient légitimement croire que la préférence nationale jouerait en leur faveur et l’emporterait sur l’ambition démesurée d’un homme qui souhaite laisser son empreinte de grand bâtisseur devant l’Eternel avant de passer le flambeau présidentiel.
Même analyse courroucée à lire cette fois-ci dans les colonnes du journal LE MATIN. Les entreprises chinoises avec l’accord de Bouteflika et de ses conseillers disent que les ouvriers les techniciens et les ingénieurs algériens sont paresseux, incompétents et resquilleurs. Un rapport chinois aurait même été établi nous dit on pour prouver cela. Et ce sont ces mêmes Chinois qui s'apprêtent à nous offrir le seul endroit qui nous rapprochera de Dieu s'étrangle le journaliste avant de conclure, voilà le choix et la résolution de M. Bouteflika : construire l’Algérie avec un regard étranger et avec le génie étranger.
Alors est-il encore temps de redonner à ce projet des dimensions raisonnables reprend EL WATAN ? Pour l’heure, seul le président peut en décider ce qui est a priori fort improbable tant Abdelaziz Bouteflika tient à sa mosquée qui d'ailleurs finira par porter son nom, tyrannie oblige.
Alors ce projet démesuré n'est pas sans en rappeler un autre à l'œuvre également : bientôt un Mahomet land. En Arabie Saoudite cette fois-ci une ville nommée « Prophète, je vous salue » va être entièrement créée sur une surface d'un million de mètres carrés entre La Mecque et Djeddah écrit le journal saoudien AL RIYADH dans cet article publié par le courrier international. Il s'agira d'un parc à thème entièrement dédié à la gloire du prophète de l'islam. Appelé à devenir une référence pour tout le monde musulman il sera ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre et pourra accueillir cinq cent personnes par heure. Il comportera une bibliothèque, la plus grande et la plus complète du monde concernant le Prophète. On devrait y trouver également des hôtels et des restaurants servant des plats et boissons de l'époque du Prophète mais aussi le plus grand musée du monde, du moins si Dieu le veut puisqu'il comportera tout ce qui fait partie de la Vie du Prophète en termes de vêtements de sandales et autres draperies. Alors l'enthousiasme du promoteur n'est toutefois pas partagé par tous. La crise s'envenime autour du projet rapporte notamment le quotidien de DJEDDAH OKAZ. Le grand ouléma demande même sur son site personnel l'arrêt du projet. Membre éminent de la très officielle commission de la fatwa, il estime qu'il s'agit d'une invention blâmable qui détournera le peuple de La Mecque. Pire dit-il, cela revient à ressusciter de vieilles pierres, autrement dit le chemin le plus court vers l'adoration des idoles.