La revue de presse internationale de Thomas Cluzel 13/06/11
Par Thomas CLUZEL
C’était il y a un an … Rendez-vous compte … Putain un an aurait même pu s’exclamer notre cher ancien président … si toutefois il n’avait eu l’esprit ailleurs ce week-end à disserter plutôt sur les meilleurs candidats de dans un an justement … Une année donc ... Une année de crise, de doutes, d’espoirs. Un an de cris, de passions, de bons mots et de gros mots. Un an d’attente, de mouvements. Un an de fatigue aussi, de ras-le-bol, de nervosité, d’épuisement, de jours sombres et de matins lourds. Un an de dette, de déficit, de dérapage. Un an de gueule, de gueule de bois, de bois de rallonge. Un an à attendre que vienne enfin l’heure. L’heure de plaire bien évidemment. Mais plaire à qui ? Aux électeurs ? Alors bien sûr vous me direz après tout un an c’est rien, une poussière d’histoire. Est-il trop tard ? Non. Il faut y croire. Y croire encore. Sauf que personne n’y croit plus. Même pas vous, même pas moi conclue ce matin l’éditorialiste de la LIBRE Belgique. Alors amis dit-il croisons les doigts.
Car vous l’aurez compris, c’est aujourd’hui en effet que la Belgique passe le cap d’une année entière sans réel gouvernement … Un délai record ... et qui risque d’ailleurs de se prolonger encore longtemps tant les divergences entre Flamands et francophones paraissent profondes.
Il y a un an, personne n’aurait parié un euro sur la possibilité que nous soyons aujourd’hui toujours sans gouvernement ... renchérit l’éditorialiste du SOIR. Et pourtant, et pourtant c’est bel et bien le cas. Alors bien sûr, la Belgique est toujours debout. Elle ne s’est pas évaporée. Non, elle est juste… un peu moins belge. Car en un an, les francophones ont fini par partager au moins une conviction commune avec le nord du pays : nous sommes deux populations ... qui vivent certes sous le même toit mais ne partagent finalement que peu de choses communes. Vrai, faux ? On ne se pose même plus la question écrit la journaliste. Désormais la réponse est tranchée. La Belgique n’est plus vécue comme un mariage dit-elle, mais comme une cohabitation, une collocation en somme. En un an, les francophones ont même fini par acter ce que les Flamands majoritairement leur répètent depuis des mois : En clair, nous devons gérer les choses différemment car nos situations, nos envies, nos politiques sont différentes. Sans compter que la longueur des négociations a également ancré dans la vie de tous les jours cette certitude que l’on pouvait au fond, vivre heureux chacun chez soi. Et l’article de conclure, fatigant, inquiétant, désespérant.
Alors non loin de là, en Italie cette fois-ci, il semble que les habitants de la péninsule n'aient guère plus de raisons finalement de se réjouir. Pire même puisque chez eux la lassitude ne daterait pas d'un an, mais de 20 ans. En près de vingt ans de politique dont plus de dix au pouvoir, Berlusconi aura en effet marqué son pays comme personne. Et son héritage va probablement hanter l’Italie pour les années à venir prévient cette semaine THE ECONOMIST. L’hebdomadaire britannique qui a choisi en une, une photo du Cavalière avec ce titre, l’homme qui a dupé dirons nous en langage châtié, l'homme qui a dupé donc tout un pays. Car même s’il peut aujourd’hui se targuer c’est vrai du plus long mandat de premier ministre de l’histoire italienne après Mussolini, l’homme n'en reste pas moins un dirigeant calamiteux. Alors chacun connaît bien entendu la saga sensationnelle de ses parties fines, au moins tout autant que ses magouilles financières. Et pourtant poursuit l’article, ce ne sont ni ses pratiques sexuelles répréhensibles, ni les épisodes louches de sa vie d’homme d’affaires qui peuvent aujourd’hui pousser les Italiens à porter sur Berlusconi le constat d’un échec lamentable, voire délétère. Non, son troisième défaut est bien pire précise toujours THE ECONOMIST il s’agit de son mépris total de la situation économique du pays. Alors soyons honnêtes, le fait est que l’Italie est parvenue pour l’heure à échapper au courroux des marchés. Elle n’a pas connu de bulle immobilière, ses banques n’ont pas fait faillite. Le marché de l’emploi se maintient : le taux de chômage est à 8 %, contre plus de 20 en Espagne. Et le déficit budgétaire s’élèvera en 2011 à 4 % du PIB, contre 6 en France. Mais ces chiffres rassurants sont trompeurs nuance aussitôt l'hebdomadaire. Et de préciser, dans les années 2000-2010, seuls le Zimbabwe et Haïti ont enregistré une croissance plus lente que l’Italie. La faiblesse du taux de chômage moyen cache d’importantes inégalités. Un quart de la jeunesse et même bien plus encore dans le Sud défavorisé est sans emploi. Le taux d’activité des femmes est le plus bas de toute l’Europe de l’Ouest. L’Italie émarge à la 80eme place du classement de la Banque mondiale derrière la Biélorussie et la Mongolie … et à la 48eme place du classement sur la compétitivité mondiale après l’Indonésie et la Barbade.
Dans ces conditions forcément, il paraît difficile ce matin de faire un choix entre la Belgique et l’Italie. Alors reste toutefois encore un pays c'est vrai ce matin à la une de l’actualité, c’est la Turquie. Et bien figurez vous que cette Turquie, pauvre et analphabète qu'on nous a si souvent dépeinte, qu'on disait peuplée de paysans anatoliens ignorants et avides de prendre d'assaut la forteresse du bien-être européen, cette Turquie là prévenait ce week-end le quotidien espagnol EL PAIS appartient désormais au passé … Car contrairement à l’Union européenne, en plein marasme à la fois économique et politique, c’est un pays sûr de lui et en plein essor économique qui s’est rendu aux urnes hier. Une puissance émergente érigée même en modèle par les démocraties moyen-orientales naissantes. En seulement une décennie, la Turquie a vu son PIB multiplié par quatre, elle a triplé son revenu par habitant, elle a réduit sa dette publique de 75 à 40 % du PIB et ramené sa prime de risque très en dessous du niveau de la plupart des pays du Sud de l'Europe. D’où cette conclusion du quotidien madrilène : cela faisait des années qu'on se demandait si la Turquie était européenne ou asiatique, si elle était tournée vers l'Occident ou vers l'Orient, et on a enfin trouvé la réponse. En fait, la question était mal posée. La Turquie ne va ni vers l'Est, ni vers l'Ouest, elle va vers le haut.
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