Le Brexit et l'avenir du Royaume-Uni sont plus que jamais en jeu dans les élections anticipées qui se déroulent ce mardi. L'avance des conservateurs s'est réduite dans les derniers sondages, poussant la presse pro-Brexit à rivaliser de manichéisme et parfois de désinformation.

Le Royaume-Uni élit aujourd'hui son nouveau Parlement, et cette élection, à lire l'analyse de James Blitz pour The Financial Times, s'annonce "aussi déterminante que décourageante".
Brexit oblige, ce scrutin sera sera le plus lourd de conséquences depuis des décennies pour l'avenir du pays ; les positions défendues par les conservateurs de Boris Johnson et les travaillistes de Jeremy Corbyn n'ont jamais été aussi clivantes ; le choix à faire sera donc décisif dans l'histoire du Royaume, reconnait dans le Financial Times le politologue et sondeur Peter Kellner... mais comment ne pas déplorer la tenue même de la campagne, "la plus superficielle, la plus mensongère et la plus frustrante" dont cet observateur de longue date de la politique britannique dit se souvenir, et qu'il qualifie de "bien mauvaise publicité pour la démocratie". C'est d'autant plus fort, comme critique, qu'en matière de désinformation et d'hystérisation des foules, la campagne du référendum sur le Brexit en 2016 avait déjà atteint des sommets.
Et comment ne pas donner raison à Peter Kellner quand on consulte les Unes des tabloïds en ce jour de vote ?
Here is tomorrow's @Daily_Express#FrontPage:
— Daily Express (@Daily_Express) December 11, 2019
- #Brexit and Britain is in YOUR hands - vote @Conservatives in the #GeneralElection2019#TomorrowsPapersTodaypic.twitter.com/lxmK98pnUE
The Daily Express, par exemple, avec ce liseré bleu conservateur, cette photo de BoJo souriant les bras ouverts, et cet appel clair à voter à droite pour, lit-on, "ouvrir un futur enthousiasmant avec le Brexit", et rejetter surtout "le chaos, le pessimisme, l'aigreur et le fanatisme qui se sont emparés du Labour et des libéraux-démocrates", les principales forces anti-Brexit.
Encore plus à l'emporte-pièce, The Sun fait dans le manichéisme pour simples d'esprits (ses lecteurs apprécieront), avec une Une coupée en deux : d'un côté la lumière, la couleur, Boris Johnson et un "avenir radieux" pour tous, de l'autre un Jeremy Corbyn éructant sur un pays en noir et blanc, plongé dans l'obscurité et accablé par des éclairs qui semblent incarner une sorte de foudre divine.
Thursday's @DailyMailUK#MailFrontPagespic.twitter.com/Ih6wnkjfec
— Daily Mail U.K. (@DailyMailUK) December 11, 2019
Le Daily Mail, à peine plus réservé, ordonne en majuscule à ses lecteurs "de braver le déluge météorologique annoncé ce jeudi pour aller voter et soutenir Boris Johnson" car, lit-on en colonne de Une, Jeremy Corbyn premier ministre, ce serait "une tâche" sur la Grande-Bretagne.
Vous l'avez compris, la presse pro-Brexit et pro-conservateurs ne fait pas dans la dentelle anglaise, ce matin... Dans le registre des fausses informations en vogue, The Guardian a même du consacrer un article entier hier à démentir celle selon laquelle si les travaillistes l'emportent, les fêtes de Noël qui arrivent vont coûter 100 livres de plus à chaque foyer.
General election 2019: nation faces 'historic' choice – polling day live news https://t.co/chRB37rXVg
— The Guardian (@guardian) December 12, 2019
Et puis, la presse conservatrice semble d'autant plus prête à tout pour faire gagner son camp qu'elle a des raisons de craindre le résultat du vote. The Yorkshire Post le constate lui-même : alors que Johnson et les siens affichaient tout au long de la campagne une solide avance de dix points dans les sondages, les dernières enquêtes d'opinion montrent que l'écart s'est réduit dans les derniers jours au point qu'on ne doit plus exclure l'hypothèse d'un parlement suspendu, sans majorité claire demain, et donc possiblement d'un Jeremy Corbyn au 10 Downing Street.
“The people of this country must never again be asked to navigate a maelstrom of misinformation in order to decide who will govern them.”
— James Mitchinson (@JayMitchinson) December 11, 2019
We’re on the side of truth. We are calling for an end to the lies. The deception. The fakery. @ElectoralCommUK we are knocking on your door. pic.twitter.com/yHVNyzdWbb
On n'en est pas là, mais quoi qu'il advienne après le dépouillement de ce soir, le même Yorkshire Post (qui penche plutôt pour Johnson mais se revendique comme "le quotidien le plus fiable de Grande-Bretagne"), en appelle déjà à une remise à plat de la démocratie britannique : "Plus jamais, affirme son édito, le peuple de ce pays ne doit être contraint de naviguer dans un tel maëlstrom de désinformation avant de décider pour qui il va voter. Il faut que les mensonges et la tromperie cessent", d'où cet appel à un "réforme électorale urgente" pour le Royaume-Uni.
Au Sahel, la menace terroriste ne connait pas de frontières, et après le Mali et le Burkina Faso, c'est au Niger d'être lourdement meurtri.
Le premier communiqué du ministère de la Défense nigérien, publié hier après-midi et cité par Jeune Afrique, évoque une attaque (la deuxième en deux jours) menée mardi contre la base militaire d'Inatès, près de la frontière malienne, par "des dizaines d'assaillants arrivés à moto, par petits groupes, qui ont attaqué le camp et l'ont encerclé". La même source sécuritaire parlait alors d'une "attaque repoussée", d'une "situation désormais sous contrôle"... mais on apprenait vite que cette "situation" impliquait aussi la mort d'au moins 71 soldats nigériens.
Niger : une deuxième attaque en deux jours contre l'arméehttps://t.co/a6k9YMyOIb
— Jeune Afrique (@jeune_afrique) December 11, 2019
"A quand la fin de la spirale de la mort ?", s'interroge donc ce matin Le Pays, quotidien burkinabé. Il explique, au conditionnel, que les terroristes auraient pilonné le camp à l'aide d'obus et de mortiers, et que le nombre de morts s'expliquerait en partie par l'explosions de réserves de carburant et de munition à l'intérieur du camp.
Le Pays refuse aussi d'utiliser le terme de "djihadistes" pour qualifier les assaillants de mardi à Inatès. "Le djihad n'est pas ce qu'on veut nous faire croire", plaide-t-il en reprenant les termes d'un leader religieux burkinabé qui rappelle que le djihad, dans la foi musulmane, c'est "une manière de faire le bien, de se battre (entre autres) pour entretenir ses géniteurs et mettre sa famille à l'abri du besoin". Ceux qui attaquent sans répit les positions militaires dans le sud-Sahel ont encore prouvé mardi qu'ils n'agissent pas au nom d'Allah mais en tant que "bandits, hors-la-loi qui ont fait le choix de se mettre an ban de la société".
🇳🇪 #Niger 71 soldats tués lors de l’attaque du camp militaire d’Inates, près de la frontière avec le #Mali.
— RFI (@RFI) December 12, 2019
► Ce bilan est le plus lourd subi par l'armée nigérienne depuis 2015.
► 57 terroristes ont été tués, selon des sources concordantes.
🎧 Précision M. Kaka #RFImatin 👇 pic.twitter.com/BFXZbODqZe
Pour faire face efficacement à cette menace coalisée, internationalisée entre Mali, Burkina et Niger, les Etats concernés doivent travailler ensemble, "mutualiser les renseignements, les moyens humains et matériels", conclut Le Pays. C'est justement ce dont il devait être question, entre les chefs d'Etats du G5 Sahel, lors du sommet organisé par Emmanuel Macron à Pau lundi prochain. "La rencontre est repoussée à l'an prochain" nous dit le site d'info Ouaga24 ... mais au-delà du nécessaire respect du deuil nigérien, il s'agit aussi d'éviter que ne soient affichées à Pau des dissensions de plus en plus difficiles à masquer autour de l'initiative française au Sahel.
Le président Francais Emanuel Macron a reporté le sommet avec les chefs d’Etat du G5 sahel prévu pour le 16 Decembre prochain à Pau. Cette annonce intervient au lendemain de l’attaque d’un camp au Niger qui fait plus de 71 morts. La rencontre est donc... https://t.co/9MUq8Zne9p
— Ouaga24 (@Ouaga24) December 12, 2019
Pour Ouaga24, c'est clair, Macron a "convoqué" les chefs d'Etats du Sahel à Pau, et cette "convocation fait des gorges chaudes depuis son annonce dans l'opinion africaine". Les présidents concernés avaient d'ailleurs décidé de se retrouver sans le Français avant d'aller à Pau pour définir une position commune en particulier sur le partenariat avec la force française Barkhane. Pour le président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré, "il est important que ce partenariat avec la France soit équitable et efficace" : difficile de ne pas y entendre une critique montante dans tout le Sahel sur l'intervention française dans son ensemble.